Théorie et itinérance
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J’écris un livre numérique à libre accès portant sur l’itinérance et je viens de lancer le deuxième chapitre, intitulé « Théorie et itinérance ». La version PDF du chapitre intégral est disponible ici.
En voici 10 faits saillants :
1. Lorsque des chercheuses.eurs développent des explications logiques de comportements observés, on appelle cela une théorie. C’est sur cela que ce chapitre se penche, élaborant une définition formelle du concept et discutant de l’évolution de la théorie dans le secteur de l’itinérance.
2. La théorie aide à nous protéger du hasard. La théorie nous aide à comprendre comment une chose mène à une autre ; toute personne voulant changer l’expression d’un modèle qui se relie à un aspect de l’itinérance doit reconnaître l’importance de la théorie.
3. La théorie nous permet de nous concentrer. Nos perspectives théoriques ont un impact majeur sur ce que nous nous concentrons et sur ce que nous négligeons. À mesure qu’une théorie se développe et que certaines perspectives deviennent plus populaires que d’autres, notre pensée change, tout comme l’accent des chercheuses.eurs, des bailleurs de fonds, des défenseuses.eurs, des praticien.nes et des décideuses.eurs politiques.
4. Les chercheuses.eurs ayant de différents profils académiques (p. ex. science économique, service social, etc.) vont mettre l’accent sur différentes théories pour expliquer l’itinérance. Leurs recherches ont tendance à mettre l’accent sur les facteurs qui s’agencent davantage avec leurs propres perspectives théoriques. Il est donc essentiel que les chercheuses.eurs provenant de différents champs d’études collaborent d’une façon interdisciplinaire afin de minimiser et d’outrepasser les angles morts.
5. Afin d’illustrer l’évolution du cadre théorique employé dans le secteur de l’itinérance, ce chapitre offre un survol d’articles savants clés. Plusieurs études, même les études académiques, ne font aucune référence au mot « théorie ». Toutefois, presque toutes les études finissent ultimement par contribuer à la théorie.
6. Une étude explorée dans ce chapitre est l’article de 1998 de Kuhn et Culhane portant sur l’analyse typologique. Celui-ci nous éclaire au fait qu’une petite proportion de personnes dans les refuges d’urgence (p. ex. celles qui s’y retrouvent chroniquement) représentent la grande majorité des taux d’utilisation des services et des coûts associés. Cet article a donc eu l’effet d’encourager les décideuses.eurs politiques à se concentrer sur ce groupe afin de réduire les coûts publics.
7. Un autre article exploré est celui de Hwang (2000) portant sur le haut taux de mortalité parmi les personnes vivant en situation d’itinérance. Il emploie le terme « taux de mortalité » qui mesure la fréquence des décès dans une population donnée dans un cadre temporel donné. Une des conclusions clés de l’étude est que le taux de mortalité des hommes utilisant les refuges d’urgence de Toronto est beaucoup plus élevé que celui des hommes torontois n’utilisant pas ces refuges. L’étude a aussi identifié les premières causes de décès par tranche d’âge.
8. Un article de Quigley, Raphael et Smolensy datant de 2001 est également traité dans ce chapitre. Un constat important de cette étude est que des loyers élevés mènent à davantage d’itinérance. Les décideuses.eurs voulant réduire la fréquence de l’itinérance devraient donc : a) tenter d’assurer l’abordabilité des loyers ; b) s’attendre à des taux accrus d’itinérance lorsque les prix des loyers augmentent ; et c) renforcer les mesures de prévention et de modération de l’itinérance lorsque les loyers sont élevés.
9. Le premier article universitaire à utiliser le terme « logement d’abord » est également traité dans ce chapitre. Rédigé par Tsemberis, Gulcur et Nakae en 2004, cet article rapporte les résultats de la toute première étude aléatoire contrôlée sur le concept du logement d’abord. L’étude en question a produit des résultats très positifs pour les participant.e.s « logement d’abord » comparativement à l’approche « traitement d’abord » privilégiée ailleurs.
10. Ce chapitre jette également de la lumière sur un des premiers articles savants qui discute de traitements tenant compte des traumatismes subis et l’itinérance. Écrit par Hopper, Bassuk et Olivet, cet article définit un traumatisme comme étant une « expérience qui crée un sentiment de peur, d’impuissance ou de terreur et qui accable les ressources d’une personne à y faire face. »
En conclusion. Ceci est un sommaire du deuxième chapitre d’un manuel à auteur unique, interdisciplinaire et à libre accès ayant comme but d’offrir une introduction à l’itinérance pour des étudiant.e.s, des fournisseurs.euses de services, des chercheurs.ses et des intervenant.e.s. Toute la matière du manuel est disponible gratuitement ici. Les chapitres seront téléversés au courant de l’année à mesure que je les complète.
Je souhaite remercier Sylvia Regnier, Vincent St-Martin et Alex Tétreault pour leur appui avec ce billet.