Comparaison des dépenses municipales dans le logement et l’itinérance dans les grandes villes canadiennes

Jul 19, 2024

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J’ai récemment mené une étude de recherche (en anglais seulement), à la demande de la ville d’Edmonton, visant à comparer les dépenses des grandes municipalités dans les services reliés à l’itinérance et les logements abordables, y compris les dépenses en immobilisations et les coûts d’exploitation. Les sept municipalités étudiées étaient Vancouver, Edmonton, Calgary, Winnipeg, Hamilton et Toronto, ainsi que la municipalité régionale de Peel. Les co-auteurs sont Greg Suttor et Chidom Otogwu.

Voici dix éléments à retenir :

1. Le niveau des dépenses annuelles par habitant varie considérablement selon les municipalités. Les dépenses liées à l’itinérance variaient entre 9 $ et 256 $ par habitant. Les dépenses dans le logement variaient entre 25 $ et 277 $ par habitant. Les dépenses combinées dans les services d’aide à l’itinérance et le logement variaient entre 34 $ et 532 $ par habitant. Tous ces chiffres comprennent les dépenses de l’entité communautaire (voir le cinquième point ci-dessous pour en savoir plus).

2. Plusieurs différences institutionnelles et juridictionnelles permettent d’expliquer ces divergences de niveaux de dépenses dans ces municipalités. Cette constatation en particulier constitue, selon moi, la contribution principale du rapport à la documentation politique. Comme nous le préciserons plus loin, ces écarts de dépenses peuvent s’expliquer par des raisons logiques qui ne sont pas dues à l’engagement d’une municipalité donnée en faveur de la cause.

3. Une des variables explicatives clés est la relation qui règne entre chaque municipalité et son gouvernement provincial respectif. Dans la plupart des provinces, les subventions au loyer et le financement des logements sociaux relèvent des gouvernements provinciaux, mais la loi et la politique de l’Ontario en font une responsabilité municipale. De plus, en Ontario, le financement des refuges d’urgence relèvent des gouvernements municipaux (avec partage des coûts), mais du gouvernement provincial en Alberta et au Manitoba.

4. Une autre question est de savoir quelle est l’entité qui se charge le plus de la mise en place et de l’exploitation des logements. Dans certaines villes, les dépenses reflètent en partie le rôle prédominant des sociétés municipales de logement, tandis que d’autres villes s’appuient davantage sur les organismes communautaires à but non lucratif ou sur les logements publics provinciaux.

5. Dans certains cas, la municipalité est l’entité communautaire, dans d’autres non. Lorsqu’une municipalité est l’entité communautaire (c.-à-d. le vecteur qui achemine les dépenses fédérales d’aide à l’itinérance), elle effectuera davantage de dépenses dans l’itinérance qu’elle ne le ferait autrement, et son rôle peut s’étendre au-delà de l’administration des fonds fédéraux (p. ex., à la planification plus générale du système de lutte contre l’itinérance). En général et dans la présente étude, les municipalités de l’Ontario sont l’entité communautaire alors que les villes de l’Ouest ne le sont pas.

6. La relation entre la municipalité et la région métropolitaine de recensement est importante. Les besoins en matière de logement et d’itinérance sont plus souvent manifestes dans les centres-villes, et cela peut se refléter dans l’emplacement des services et des logements. Les municipalités situées dans la moitié ou le quart intérieur d’une très grande région métropolitaine (p. ex., Toronto ou Vancouver) peuvent assumer des coûts de programme importants, ce qui se traduit par des dépenses par habitant élevées parce qu’elles sont réparties sur une plus petite partie de la population de la région métropolitaine (plus petit dénominateur).

7. L’histoire et les pratiques établies font une différence. Les villes de Toronto et de Vancouver, par exemple, ont des rôles et des pratiques de financement et de création de logements hors marché bien établis depuis longtemps, tandis que dans d’autres villes, ces rôles sont moins importants ou ont été établis plus récemment.

8. Des besoins plus importants peuvent aussi entraîner plus de dépenses. La documentation de recherche suggère que les villes où les loyers sont plus élevés ont généralement des taux d’itinérance plus élevés. Dans certains cas, les pressions exercées sur le marché (p. ex., une forte immigration) peuvent conduire à des pressions politiques et à des réponses politiques/ de programmes plus vigoureuses.

9. Cette analyse a également suivi les sources des dépenses municipales. Le financement fédéral en matière de logements abordables est considérablement plus important que le financement provincial dans la plupart des villes (en gardant à l’esprit que nous n’avons suivi que ce qui passait par la municipalité.) Le financement provincial est plus important que le financement fédéral en ce qui a trait aux services d’aide à l’itinérance dans la plupart des villes (une fois de plus, en tenant compte du fait que nous n’avons suivi que ce qui passe par la municipalité.) Les fonds municipaux nets représentaient 56 % des dépenses de logement, mais seulement 33 % des dépenses liées à l’itinérance (moyennes de 5 villes).

10. Dans le cadre du rapport, Greg Suttor a créé un aide-mémoire d’une page très utile. Il s’agit d’un tableau qui figure à la page 15 du rapport et qui résume certains points contextuels discutés ci-dessus, ainsi que d’autres facteurs qui peuvent affecter les niveaux des dépenses des municipalités en matière de logements abordables et d’itinérance.

En résumé. Les gouvernements municipaux ont des rôles particulièrement importants à jouer dans le domaine des logements abordables et de l’itinérance (nous discutons de ces rôles en détail dans cette série de rapports, en anglais seulement, publiée en 2022). Notre dernier rapport (en anglais seulement) mandaté par la ville d’Edmonton met en lumière certaines des raisons pour lesquelles les niveaux de dépenses à eux seuls ne reflètent pas nécessairement l’engagement des municipalités vis-à-vis de l’un ou l’autre dossier.

Je tiens à remercier Jenny Morrow et Annick Torfs pour l’aide qu’elles m’ont apportée dans la préparation de ce billet de blogue.