COVID-19 et la planification en matière d’itinérance au Canada
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J’ai rédigé un chapitre de livre sur la pandémie de COVID-19 et l’itinérance dans le contexte canadien. Ce chapitre donne un aperçu de l’itinérance au Canada durant la pandémie et examine les réponses politiques et les innovations (le livre peut être acheté ici).
Voici dix points à retenir :
1. Au cours de la pandémie, le gouvernement fédéral du Canada a considérablement augmenté les aides au revenu. Ces mesures concernaient l’assurance-emploi, le crédit pour la taxe sur les produits et services, l’allocation canadienne pour enfants, la prestation canadienne d’urgence, la subvention salariale d’urgence du Canada et la Sécurité de la vieillesse. Entre-temps, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont mis en place diverses mesures visant à soutenir les locataires et à limiter ou interdire les expulsions.
2. Plusieurs améliorations uniques ont été annoncées pour Vers un chez-soi. Le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, annoncé le 18 mars 2020, comprenait 157,5 millions de dollars en financement unique pour Vers un chez-soi (le véhicule de financement principal du gouvernement du Canada pour l’itinérance), ce qui représentait une augmentation de 74 % du financement de Vers un chez-soi pour l’exercice 2020-2021. Le 21 septembre 2020, le gouvernement du Canada a annoncé une augmentation unique supplémentaire de 236,7 millions de dollars pour Vers un chez-soi.
3. Les règlements gouvernant Vers un chez-soi sont devenus plus souples. En avril 2020, les directives de Vers un chez-soi ont fait l’objet de révisions. Pour la première fois, le gouvernement du Canada a autorisé que les fonds de Vers un chez-soi soient utilisés pour couvrir les services de santé et médicaux. Les restrictions géographiques avaient également été assouplies, ce qui a permis aux communautés désignées (celles qui reçoivent le financement) d’attribuer une partie de leur financement en dehors de leurs secteurs traditionnels, en particulier si une telle mesure avait été jugée susceptible de réduire l’afflux de personnes en situation d’itinérance dans la communauté désignée en question.
4. Le 21 septembre 2020, le gouvernement du Canada a lancé l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL). Au départ, il avait été annoncé qu’un milliard de dollars serait consacré à la construction de logements modulaires, à l’acquisition de terrains et à la conversion d’édifices existants en logements abordables. Le budget fédéral de 2021 avait annoncé un montant supplémentaire de 1,5 milliard de dollars pour l’ICRL en 2021-2022, tandis que le budget fédéral de 2022-2023 avait annoncé un montant supplémentaire de 1,5 milliard de dollars sur deux ans pour l’ICRL. Comparativement à d’autres initiatives fédérales dans le domaine du logement, l’ICRL offre un processus de demande de subvention rapide et fournit une aide généreuse sous forme de subventions. Qui plus est, les subventions peuvent couvrir les coûts d’investissement dans leur totalité. De nombreux locataires logés dans le cadre de l’ICRL sont des personnes en situation d’itinérance.
5. Malheureusement, en raison d’un manque de fonds de fonctionnement, l’ICRL éprouvera des difficultés à soutenir les personnes qui ont vécu l’itinérance chronique. Les opérateurs espèrent que les gouvernements provinciaux apporteront l’aide au fonctionnement dont ils ont tant besoin (y compris pour les mesures d’accompagnement pour locataires vulnérables). Jusqu’à présent, la plupart des gouvernements provinciaux ont été réticents à s’engager explicitement dans des subventions de fonctionnement à long terme.
6. Les représentants locaux du secteur de l’itinérance ont répondu à la pandémie de plusieurs façons. Les mesures comprenaient la création d’une plus grande distanciation physique dans les refuges d’urgence existants, l’ouverture de nouvelles installations, la location de chambres d’hôtel et l’établissement d’installations pour l’isolement et la quarantaine. Ces mesures comprenaient également l’amélioration des installations existantes, l’ajout de nouveaux édifices (typi quement des édifices réaffectés), la séparation des personnes ne présentant pas de symptômes de celles qui en présentaient, et l’isolement des personnes dont le test de depistage était positif.
7. Au cours de la pandémie, plusieurs grandes villes ont amélioré leurs programmes existants de prévention des expulsions. Pour ce faire, elles ont en grande partie utilisé une aide financière à court terme pour payer une variété de frais qui permettait aux ménages à risque d’itinérance de rester logés ou d’être relogés rapidement. Ces coûts incluaient souvent les arriérés de loyer, les arriérés de services publics, le premier mois de loyer, les dépôts de garantie et les frais de déménagement.
8. Au cours de la pandémie, plusieurs communautés ont mis en œuvre des innovations dans le cadre du système de santé pour les personnes en situation d’itinérance. Historiquement, dans beaucoup de villes canadiennes, les autorités sanitaires ne voyaient pas l’itinérance comme un « problème de santé » et ne s’étaient donc pas engagées pleinement dans le secteur de l’itinérance. Cette situation a quelque peu changé au cours de la pandémie.
9. De nouveaux partenariats sont nés entre les représentants du système de santé et de l’aide aux sans-abri d’un bout à l’autre du Canada. En voici quelques exemples :
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- L’équipe de l’assurance de la qualité de Toronto avait visité tous les refuges d’urgence locaux afin d’assurer qu’une distanciation physique appropriée et de bonnes pratiques sanitaires étaient en place.
- Des pharmaciens se sont rendus dans les établissements d’urgence de Toronto pour remplir des ordonnances; certains travaillent régulièrement dans les refuges d’urgence.
- La création de cliniques de vaccinations gérées par des Autochtones.
- Une augmentation considérable du nombre d’infirmières/infirmiers auxiliaires et d’auxiliaires paramédicaux dans le plus grand établissement d’urgence de Calgary.
- Des services de consommation supervisée et une fourniture sûre en cannabis offerts dans un site d’isolement pour les personnes en situation d’itinérance à Ottawa.
- Cannabis offert gratuitement après chaque dose de vaccin pour certaines personnes en situation d’itinérance à Ottawa.
- Distribution d’alcool par les représentants territoriaux dans la ville de Yellowknife dans le centre d’isolement de la ville pour les personnes en situation d’itinérance.
10. Des défis demeurent présents dans le secteur de l’itinérance au Canada. Ces défis sont liés au sous-financement des programmes de logement et de lutte contre l’itinérance, à la perte de logements locatifs abordables, au manque de coopération avec les autorités pénitentiaires, à l’augmentation du nombre de personnes qui dorment à la rue, à la crise des overdoses, à la fin des financements uniques liés à la COVID, à l’émergence d’une crise du personnel et aux coûts élevés du marché du logement.
En résumé : Durant la pandémie de COVID-19, le secteur canadien de l’aide aux sans-abri a bénéficié d’importants investissements de fonds à court terme de la part de tous les ordres de gouvernement, ainsi que de diverses innovations programmatiques. Néanmoins, l’itinérance demeure une crise au Canada. La Stratégie nationale sur le logement, lancée en 2017, n’a pas changé grand-chose à cette situation, d’autant plus que la valeur de l’immobilier augmente dans les grandes villes.
Je tiens à remercier Jenny Morrow et Annick Torfs pour leur aide dans la préparation de ce billet de blogue.