La différence coopérative : Une comparaison de l’habitation coopérative et des taux du marché dans cinq villes canadiennes

Nov 11, 2022

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La Fédération de l’habitation coopérative du Canada vient de publier une étude comparant les taux du marché d’habitations coopératives à ceux de logements privés semblables à Victoria, Vancouver, Edmonton, Toronto et Ottawa[1] pour la période 2006-2021. J’ai joué un petit rôle dans la rédaction du rapport avec Greg Suttor (son auteur principal) et Chidom Otogwu (qui a dirigé les analyses quantitatives).

En voici 10 faits saillants :

 1. C’est important de comprendre ce qu’est justement l’habitation coopérative au Canada. La majorité des habitations coopératives au pays n’ont pas de but lucratif et sont une forme de logement communautaire, c’est-à-dire sans la propriété individuelle. La propriété appartient plutôt à la collectivité des résident.e.s membres et est contrôlée par un conseil d’administration dont les membres sont élus parmi les résident.e.s.

2. L’habitation coopérative implique une diversité de revenus. Il est intentionnel que les résident.e.s membres aient de différents revenus — une portion des logements dans une coopérative est réservée aux ménages à faible revenu qui reçoivent du soutien en fonction de leur revenu, leur permettant ainsi un loyer abordable.

3. L’habitation coopérative est un investissement public. Historiquement au Canada, l’habitation coopérative a surtout été développée grâce au soutien financier et opérationnel des gouvernements. Les défenseur.euses du modèle ont fait valoir que ces investissements se révèlent payants à long terme (surprise : les conclusions de notre étude le confirment).

4. Cette étude cherche à comparer « des pommes avec des pommes. » Afin de comparer les taux du marché des habitations coopératives matures[2] dans les villes canadiennes à ceux de logements privés comparables sur une période, cette étude compare des logements ayant des structures similaires (maison en rangée vs immeuble) et le nombre de chambres. Dans ce même sens, l’étude ne tient pas compte des unités coopératives ayant des loyers indexés au revenu, c’est-à-dire des loyers beaucoup plus bas que ceux de la majorité des autres membres de la coopérative (comme au point 2).

5. Cette étude profite d’un riche ensemble de données. Faisant appel aux données fournies par l’Agence des coopératives d’habitation et la Société canadienne d’hypothèques et de logement, l’ensemble des habitations étudiées compte 7 900 logements en immeubles et 7 500 maisons en rangée, avec 15 ans de données détaillées pour chaque logement en coopérative et des données provenant des Rapports sur le marché locatif pour les habitations privées.

6. L’étude démontre que les loyers en habitation coopérative sont systématiquement inférieurs aux taux du marché pour les logements privés, l’écart grandissant au fil du temps. Les loyers en habitation coopérative pour des logements à une ou deux chambres à coucher étaient environ 25 % inférieurs aux taux du marché (une différence entre 150 $ et 250 $ par mois) au début de la période étudiée. Cet écart a atteint 33 % (jusqu’à 400 $ ou 500 $ de différence par mois) vers la fin de la même période. Les loyers en coopérative sont aussi demeurés modestes pendant les cinq dernières années, même si les loyers des logements privés ont monté en flèche.

7. L’habitation coopérative offre des retombées positives sur le long terme. En fait, une implication importante de ces résultats est que les loyers relativement abordables offerts par des coopératives sont le résultat de l’investissement public dans ce modèle.

8. L’habitation coopérative est une façon rentable de subventionner les locataires à faible revenu. Une des implications des résultats de cette étude est que les logements en coopérative nécessitent moins de financement gouvernemental que ceux qui sont privés, même si plusieurs programmes gouvernementaux d’allocation ou de prestations de logement sont accédés dans le marché de location privé. Par exemple, cela coûte beaucoup moins cher de pallier le paiement du loyer pour un locataire à faible revenu dans un logement en coopérative de 1 000 $ par mois que dans un logement privé à 1 500 $ par mois.

9. Des études similaires portant d’autres formes d’habitation communautaire ont produit des résultats similaires. Bien que l’accent de ce rapport soit sur l’habitation coopérative, la même logique peut être appliquée à d’autres formes de logements communautaires (p. ex. les logements sociaux). En fait, des études précédentes portant sur les logements sociaux au Canada ont produit des résultats comparables.

10. Les loyers modérés en coopérative n’assurent pas la qualité du logement. On peut décrire l’état de 97 % des habitations coopératives anciennement administrées par le gouvernement fédéral (ce qui constitue une majorité de l’ensemble de l’habitation coopérative au Canada) comme étant entre passable et excellent.

En conclusion. Alors que nous débattons de politiques en matière de logement au Canada, il est important de ne pas oublier l’abordabilité à long terme créée par l’habitation coopérative pour des personnes ayant une diversité de revenus. Cette étude peut aider les praticien.nes, chercheur.euses, décideur.euses politiques et élu.e.s à mieux comprendre ce fait.

 

Je souhaite remercier Dallas Alderson, Courtney Lockhart, Sylvia Regnier, Greg Suttor et Alex Tétreault pour leur appui avec ce billet. Je souhaite également remercier la Fédération de l’habitation coopérative du Canada pour l’usage de la photo ci-dessus.

 

[1] Ces villes ont été choisies en raison de la disponibilité de données. Les coopératives dans ces villes sont ou étaient sous gestion fédérale, permettant donc à l’Agence des coopératives d’habitation de recueillir des données sur les loyers. Ce genre de données n’est pas disponible de la même façon pour les habitations coopératives qui sont ou étaient sous administration provinciale.

[2] Les habitations coopératives sont considérées « matures » puisque la majorité d’entre elles ont été développées de 15 à 40 ans avant le début de la période évaluée.