La santé et l’itinérance

May 21, 2023

An English version of this blog post is available here.

J’écris un livre numérique à libre accès portant sur l’itinérance et je viens de lancer le cinquième chapitre, intitulé « La santé et les conditions sanitaires ». La version PDF du chapitre intégral est disponible ici (en anglais seulement).

Voici dix choses à savoir :

1. Les personnes vivant en situation d’itinérance sont plus susceptibles à faire face à des défis sanitaires que la population générale. Physiquement, ceci inclut des taux élevés d’hépatite C, d’épilepsie, de maladie du cœur, de cancer, d’arthrite et de rhumatismes, d’asthme et de diabète. Psychologiquement, on parle de fréquence élevée d’anxiété, de dépression, de maladie bipolaire, de schizophrénie et de troubles de consommation de substances.

2. Plusieurs personnes vivant en situation d’itinérance n’ont pas de fournisseur de soins primaires. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette réalité, y compris : des mécanismes de paiement qui font en sorte que le traitement de cas complexes ne soit pas rentable ; du picorage (« cherry-picking ») de la part de certains fournisseurs afin d’éviter de fournir des services aux personnes vivant en itinérance ; ne pas posséder de téléphone ; un manque d’assurance maladie ; l’absence d’options cliniques à faibles barrières (p. ex. des heures d’accueil accessibles) ; et des déménagements fréquents.

3. Des personnes vivant en situation d’itinérance cherchent souvent des traitements dans les services des urgences. En raison de leurs vulnérabilités au niveau de la santé, il est également vrai que les personnes vivant en itinérance meurent beaucoup plus tôt que la norme.

4. Les traumatismes contribuent aux problèmes de santé. Ceci inclut les traumatismes subis dans l’enfance, en plus d’agressions physiques et sexuelles subies régulièrement en itinérance. Une étude canadienne (lien en anglais) confirme que les gens vivant en situation d’itinérance à long terme ont souffert des traumatismes dans l’enfance à un taux cinq fois plus élevé que la population générale. On peut compter parmi de tels traumatismes la maltraitance, des parents avec des problèmes de consommation, la violence domestique et des sévices.

5. Vivre sans un abri adéquat expose des gens à de la précipitation et des conditions météorologiques extrêmes. Être exposé à un temps froid peut entraîner des engelures et l’hypothermie. Dans le cas de températures chaudes, on risque des coups de chaleur, l’épuisement, la déshydratation et le cancer de la peau. La précipitation peut mener à des infections fongiques et d’autres problèmes de peau. De plus, être exposé à des températures extrêmes, chaude ou froide, peut entraîner la mort.

6. L’habitation collective est également un facteur. La plupart des refuges d’urgence sont surpeuplés. Dans certains cas, il n’y a qu’un pied (30 centimètres) de séparation entre personnes. Dans d’autres cas, des personnes vulnérables (y compris des enfants) sont en proximité d’étrangers. Ce surpeuplement augmente la transmission de maladies contagieuses et contribue aux conflits entre résident∙es, tous les deux pouvant avoir des résultats négatifs sur la santé mentale. Il y a aussi souvent un manque de nourriture, surtout des aliments sains, dans les refuges d’urgence.

7. Les personnes vivant en situation d’itinérance sont souvent déchargées de l’hôpital sans planification adéquate. On compte parmi les raisons : la pression subie par le personnel pour que celui-ci décharge rapidement les patient∙es ; un manque de communication entre le personnel de l’hôpital et la communauté ; et un partage d’information insuffisant entre l’hôpital et la communauté. De plus, la majorité des communautés n’ont pas l’infrastructure nécessaire pour appuyer la récupération post-décharge.

8. Il est possible d’améliorer le congé de l’hôpital. Une étude canadienne (lien en anglais) s’est penchée sur l’impact d’un soutien sur place, prédécharge pour les clientes psychiatriques. Les membres du groupe ciblé ont reçu un appui accéléré d’un∙e gestionnaire du programme d’aide au revenu local afin d’accéder à des fonds destinés aux premier et dernier mois d’un loyer. De plus, un∙e travailleur∙euse en logement leur a été presque immédiatement assigné, les aidant à parler à des propriétaires potentiels et parfois même visitant le logement en question. Le personnel du programme d’aide au revenu était par la suite en mesure de fournir du financement rapidement et directement aux propriétaires. « Le personnel en logement offrait également un appui à mettre en place les paiements aux propriétaires si le∙la client∙e le désirait, révisait les ententes de location et prévoyait les paiements des factures de service public, au besoin. » Cette intervention a réduit de façon significative le nombre de personnes déchargées dans une situation d’itinérance.

9. Il y a d’importantes initiatives en réduction des méfaits dans le secteur des services pour contrer l’itinérance. La réduction des méfaits réfère souvent à réduire les effets néfastes de la consommation de substances illicites sans exiger l’abstinence complète. Ces approches visent souvent les personnes vivant en situation d’itinérance. On compte parmi celles-ci la distribution de seringues propres, de trousses pour l’inhalation sécuritaire et des services de consommation supervisée. Ce chapitre du livre met en lumière certaines pratiques prometteuses.

10. Certains refuges d’urgence fournissent de bons soins de santé. Des infirmier∙ères peuvent traiter des blessures, administrer des médicaments, répondre à des surdoses et effectuer d’autres évaluations reliées à la santé. Des médecins visitent certains refuges régulièrement afin d’instaurer la confiance et créer un rapport avec les résident∙es, offrir des soins actifs épisodiques pour des conditions de santé aiguës et des soins longitudinaux pour des conditions chroniques, ainsi que faciliter la liaison entre les patient∙es et des soins primaires ou spécialisés dans des établissements de santé traditionnels.

En conclusion. Ceci est un sommaire du cinquième chapitre d’un manuel à auteur unique, interdisciplinaire et à libre accès ayant comme but d’offrir une introduction à l’itinérance pour des étudiant∙es, des fournisseur∙euses de services, des chercheur∙euses, des décideur∙euses politiques et des intervenant∙es. Tout le contenu du manuel est disponible gratuitement ici (en anglais seulement). Les chapitres seront téléversés au courant de l’année à mesure qu’ils sont complétés.

Je souhaite remercier Sylvia Regnier et Alex Tétreault pour leur appui avec ce billet.