Le plan libéral pour le logement
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Le 31 mars, les libéraux de Mark Carney ont dévoilé ce qu’ils ont nommé « le plan de logement le plus ambitieux du Canada depuis la Seconde Guerre mondiale. »
Voici sept points à retenir :
1. Leur plan visant à supprimer la TPS sur les nouvelles constructions profiteraient en grande partie aux promoteurs privés. Les libéraux veulent supprimer la TPS « pour les acheteurs d’une première maison dont le prix est inférieur ou égal à 1 million de dollars. » En réalité, la TPS perçue sur les logements neufs n’est pas la même chose que la TPS perçue sur les voitures neuves. Dans le cas des logements, la TPS est dissimulée au consommateur (c’est le promoteur qui paie la TPS sur les entrées). Il est donc probable que cette proposition stimule de nouvelles constructions, mais il n’est pas certain que les économies réalisées seront transmises aux acheteurs[1].
2. La création d’une entité fédérale agissant à titre de promoteur serait en soi un défi. Les libéraux proposent de créer une entité fédérale agissant à titre de promoteur de logements abordables. Toutefois, pour construire des logements, il faut des connaissances locales : par exemple, il y a des différences géographiques entre le centre-ville de Toronto et les régions rurales du Nunavut, ainsi que des différences dans les règlements municipaux locaux. Bien que le financement d’Ottawa peut être extrêmement utile pour stimuler la construction, les fonctionnaires qui y vivent ne sont peut-être pas aussi bien placés que les responsables locaux en matière de construction de logements.
3. La proposition des libéraux d’encourager la construction de logements préfabriqués est raisonnable, surtout si l’on tient compte des défis que connaît actuellement le marché du travail.Le plan libéral pour le logement propose « 25 milliards de dollars de financement par emprunt et 1 milliard de dollars de financement par actions à des constructeurs canadiens innovants de maisons préfabriquées. » Il est plus facile et plus rapide de former une personne à travailler sur une chaîne de production (pour les logements préfabriqués) que de former une personne à travailler sur un chantier de construction (maisons traditionnelles). Cela étant dit, cette proposition ne répondrait probablement pas entièrement aux nombreux défis de capacité que connaît le secteur de la construction du Canada, y compris en ce qui a trait à la main-d’œuvre.
4. Pour ce qui est de l’aide au secteur du logement abordable, les subventions sont plus utiles que les prêts. Le plan de logement libéral propose de fournir « 10 milliards de dollars de financement et de capital à faible coût aux constructeurs de logements abordables. » Ils déclarent qu’une grande partie de ce montant serait allouée aux logements supervisés, aux logements pour personnes autochtones, aux refuges d’urgence, aux logements pour étudiants et aux logements pour personnes âgées. La formulation du plan n’articule pas clairement quelle sera la répartition entre les prêts et les subventions. Les prêts à faible coût aident à stimuler le logement abordable, mais pas autant que les subventions.
5. La réduction des redevances d’aménagement municipales stimulera la construction, mais soulèvera également des défis quant à l’équité géographique. Le plan de logement libéral promet de « réduire de moitié les redevances d’aménagement municipales pour les logements collectifs tout en collaborant avec les provinces et les territoires pour compenser la perte de revenus pour les municipalités pour une période de cinq ans. » Étant donné que le gouvernement fédéral ne perçoit pas les taxes municipales, cela signifie qu’il faut créer une subvention fédérale pour compenser les coûts municipaux de construction des infrastructures associées aux nouvelles constructions de maisons. Cela stimulerait probablement la construction, mais allouerait finalement plus d’argent aux municipalités qui imposent des coûts de construction plus élevés (et cela soulèverait des questions d’équité)[2].
6. La proposition libérale de réintroduire les IRLM pourrait se révéler onéreuse pour le Trésor fédéral. D’après le plan libéral pour le logement « Nous instaurerons à nouveau un incitatif fiscal qui, lorsqu’il avait été introduit dans les années 1970, a stimulé la construction de dizaines de milliers de logements locatifs dans tout le pays. Connue sous le nom de déduction fiscale pour les immeubles résidentiels locatifs à logements multiples, cette politique a permis de bâtir près de 200 000 logements en sept ans (1974-1981). » Dans le cadre du programme des IRLM, si vous gagniez un revenu élevé et que vous possédiez un immeuble locatif, vous pouviez déduire les pertes de votre revenu professionnel. Même si cette déduction fiscale avait engendré la construction de nombreux nouveaux logements, elle a fini par être éliminée en grande partie parce qu’elle avait été jugée coûteuse pour le Trésor fiscal (en termes de revenus fiscaux non perçus).
7. Le plan libéral pour le logement ne fait presque aucune mention de l’itinérance. Selon le plan : « Nous développerons immédiatement des objectifs de réduction de l’itinérance avec chaque province et territoire afin d’informer les investissements pour le programme Logement d’abord, afin d’améliorer l’accès au traitement et de mettre fin aux campements, communauté par communauté. » De plus, tel que mentionné plus haut, un certain soutien pour les logements supervisés et les refuges d’urgence serait mis en place. Par contre, le plan ne mentionne aucune autre subvention ni pour le Sous-volet pour la création rapide de logements du Fonds pour le logement abordable ni pour Vers un chez-soi.
En résumé. Ce plan, si mis en œuvre, permettrait probablement de stimuler l’offre, tant en ce qui concerne les propriétés que les logements locatif. Cependant, il ne prévoit que peu de subventions qui pourraient aider les locataires à faible revenu et les personnes en situation d’itinérance. Qui plus est, sa proposition de faire du gouvernement fédéral un promoteur n’est probablement pas judicieuse.
Je tiens à remercier Sean Gadon, Jenny Morrow, Steve Pomeroy, Shayne Ramsay, Marion Steele, Ray Sullivan, Greg Suttor et Annick Torfs pour leur aide dans la préparation de ce billet de blogue. Toute erreur éventuelle est de mon fait.
[1] À l’heure actuelle, les Canadiens qui achètent une maison neuve doivent payer 5 % de TPS, à moins que la juste valeur marchande de la maison soit inférieure à 450 000 $. La TPS ne s’applique pas à la revente (seulement aux logements neufs).
[2] Au cours des dernières décennies, il y a eu un financement fédéral et provincial considérable dans les infrastructures municipales d’un bout à l’autre du Canada. Ces jours-ci, le même engagement fédéral et provincial est manquant. C’est une des raisons pour lesquelles les redevances d’aménagement municipales ont fait l’objet d’une hausse au cours des dernières années.