L’innovation dans la planification relative à l’itinérance : un survol de 13 villes canadiennes
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J’ai récemment rédigé un rapport, sous la commande de la Calgary Homeless Foundation, offrant un survol de développements récents en planification relative à l’itinérance dans 13 villes canadiennes : Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Edmonton, Ottawa, Winnipeg, Québec, Hamilton, Regina, Victoria, Saint-Jean (TN) et Yellowknife.
En voici 10 faits saillants.
1. Plusieurs villes canadiennes ont vu davantage de gens dormant à l’extérieur au cours de la pandémie de la COVID-19. Cette augmentation peut être attribuée en partie aux inquiétudes face au risque de transmission dans les lieux d’habitation collective. La ville d’Ottawa de son côté a mis en place un nouveau système de cartographie SIG, une innovation technologique méritant beaucoup d’attention qui permet à la fois de mieux identifier les campements et d’ajouter des notes portant sur les résident.e.s de chacun afin de mieux les desservir.
2. La pandémie a permis au développement de plus importants partenariats entre les secteurs de la santé et de l’itinérance. Par exemple, davantage de centres de soins d’urgence de Toronto se sont mis à offrir des soins de santé primaire sur les lieux, c’est-à-dire l’offre de service de médecins de famille et d’infirmières. Certains refuges pour sans-abris de la Ville Reine offrent même des services de pharmacie réguliers à partir de leurs installations. Dans les refuges de Calgary, on a aussi noté une présence accrue d’agents paramédicaux et d’infirmières-praticiennes.
3. Plusieurs exemples positifs de partenariats mettant de l’avant les visions et besoins des communautés autochtones ont pris forme. En particulier, on note une clinique de vaccination à Calgary avec la présence continue d’un.e Aîné.e et des cliniques de dépistage et de vaccination à Winnipeg dirigées par et pour ces communautés.
4. Des approches priorisant la réduction des méfaits ont vu énormément de succès dans certaines villes. Dans ce contexte, la réduction des méfaits est une technique d’intervention qui cherche à réduire les risques associés à la consommation de l’alcool et des drogues sans nécessairement exiger l’abstention complète de la consommation. On compte parmi les exemples de ces pratiques les vérifications de l’état de santé dans les refuges d’urgence de Toronto et les services de consommation supervisée d’Ottawa, avec un approvisionnement sûr de cannabis, dans un site d’isolement désigné pour les personnes vivant en situation d’itinérance. On peut également compter la distribution d’alcool dans les sites d’isolement de Yellowknife pour les personnes vivant en situation d’itinérance par les autorités territoriales.
5. Certaines villes ont élargi leurs programmes de prévention d’expulsion durant la pandémie. Ces expansions comprennent de l’aide financière à court terme qui sert à défrayer une variété de coûts, permettant ainsi aux ménages à risque de l’itinérance de soit demeurer conserver leur logement ou de s’en trouver un nouveau rapidement. On retrouve habituellement parmi ces coûts les arriérés de loyer ou de services publics, un premier paiement pour le loyer, un dépôt en cas de dommages et des frais de déménagement. Tandis que les initiatives elles-mêmes ne sont pas nouvelles, la pandémie a donné aux responsables municipaux une raison d’augmenter leur financement et donc d’accroître leur disponibilité et utilisation.
6. Les processus de tri à l’échelle des municipalités ont un bilan plus mitigé. Ici, je fais référence à l’accès coordonné qui centralise le processus de tri et priorise l’accès aux supports en matière de logements et aux supports connexes. En termes de progrès sur cet aspect, les villes canadiennes semblent pouvoir se compter dans trois catégories : 1) celles où un tel processus est bien établit; 2) celles où le processus est en cours; et 3) celles qui semblent résister sa mise en place.
7. L’impact de l’Allocation canadienne pour le logement (ACL) varie d’une ville à une autre. L’ACL consiste d’aide financière pour les ménages à faible revenu afin que ceux-ci puissent se payer leur loyer. L’allocation devait être lancée le 1er avril 2020. Toutefois, à compter mai 2021, des autorités en matière du logement à Saint-Jean et à Yellowknife n’avaient toujours pas reçu d’indication quant à la mise en œuvre de l’ACL dans leurs régions respectives.
8. De façon générale, l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) fut un atout pour les systèmes de planification en matière d’itinérance. Cette initiative fédérale offre du financement pour des logements modulaires, l’acquisition de terrains, la conversion d’immeubles existants en logements abordables et la réclamation de propriétés abandonnées et délaissées. Parmi les 13 villes sondées dans le présent rapport, 10 d’entre elles ont reçu du financement provenant de l’ICRL en date de mai 2021. Les projets recevant de l’appui viseront à offrir du logement à la fois aux gens qui vivent actuellement en situation d’itinérance ou qui sont à risque de s’y retrouver. Plusieurs projets attendent toujours des nouvelles de la part de leur gouvernement provincial respectif s’ils vont recevoir du financement opérationnel, ce qui va par la suite dicter quelles sortes de supports en travail social pourront être fournis et quels types de ménage pourra être accueilli. En ce moment, on considère que l’ICRL est la meilleure initiative de logement fédérale pour s’attaquer à l’itinérance chronique.
9. L’impact qu’a eu le Fonds national de co-investissement pour le logement dans les secteurs traitant l’itinérance dans chacune des villes a été tout au plus modeste. On a critiqué cette initiative fédérale pour son processus d’inscription onéreux, son processus d’approbation beaucoup trop long et les délais majeurs quant à la distribution du financement une fois que celui-ci a été octroyé.
10. Ce rapport offre sept recommandations politiques qui découlent de ses conclusions. Celles-ci itèrent le besoin de mieux dénombrer les cas de gens dormant à l’extérieur dans des endroits visibles, de mettre davantage en valeur les pratiques de santé prometteuses dans le secteur de l’itinérance, d’encourager davantage de coopération avec le secteur correctionnel, d’appuyer les mesures de prévention d’itinérance, de promouvoir la transparence dans l’Allocation canadienne pour le logement, d’offrir du financement opérationnel à l’Initiative pour la création rapide de logements et de renflouer les coffres du Fonds national de co-investissement pour le logement afin que celui-ci puisse offrir davantage de support.
En somme. L’incidence élevée de gens dormant à l’extérieur dans des endroits visibles est un défi pour plusieurs villes canadiennes. Cela étant dit, des partenariats avec le secteur de la santé ont généralement porté fruit, en plus de l’expansion de mesures de prévention d’expulsions. Plusieurs initiatives fédérales en matière de logement sont prometteuses, mais l’expérience souligne le besoin d’un appui provenant de tous les paliers gouvernementaux.