L’itinérance chez les peuples autochtones

Aug 24, 2023

An English version of this blog post is available here.

Je prépare un manuel à libre accès sur l’itinérance et je viens de publier le chapitre 6, qui se concentre sur l’itinérance vécue par les peuples autochtones, notamment en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande. La version PDF du chapitre complet est disponible ici (en anglais seulement).

Voici dix points à connaître :

1. L’impact de la colonisation a eu une portée considérable. Depuis les premiers contacts avec les Européens, les peuples autochtones de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande ont vécu la colonisation, la dépossession de leurs terres, de l’eau et d’autres ressources naturelles, les relocalisations forcées et la perte des connexions familiales et de la culture. Le traumatisme persistant est l’un de ces impacts.

2. L’un des héritages du colonialisme est la croissance du taux de l’itinérance. Autrement dit, lorsque l’on réfléchit aux causes principales de l’itinérance discutées dans le premier chapitre de ce manuel, que l’on combine cette réflexion à ce qui est arrivé aux peuples autochtones ─ généralement aux mains des colons européens au cours de plusieurs siècles ─ et que l’on considère ensuite le racisme systémique d’aujourd’hui, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les peuples autochtones connaissent souvent des taux d’itinérance beaucoup plus élevés que les personnes non autochtones.

3. Lorsqu’elles doivent confronter l’adversité, les communautés autochtones ont fait preuve d’une résilience et d’une force culturelle remarquables. Cette résilience nous oriente vers des pratiques prometteuses qui doivent toutes être dirigées par des Autochtones et soutenues par des injections de fonds importantes (y compris pour une grande gamme de services sociaux).

4. Des programmes culturels sur place sont essentiels. Soit qu’il s’agisse d’un refuge d’urgence, d’un centre d’accueil de jour ou du logement, il peut être utile d’offrir des services culturels pertinents sur place. De tels programmes peuvent comprendre de la musique, de l’art ou de l’artisanat, des soutiens linguistiques et des soutiens liés à l’alimentation qui pourraient être importants pour les populations autochtones locales.

5. Les organismes du secteur de l’aide aux sans-abri devraient envisager de recourir aux services qu’offrent les Aînés. Cela pourrait se traduire par une rotation des conseils des Aînés, tout en tenant compte de la diversité des personnes autochtones de toute communauté donnée. Différents Aînés sont spécialisés dans différents enseignements, sont dotés de différentes compétences et ont de différentes compréhensions de diverses questions. Les Aînés peuvent aussi être à la disposition des résidents qui désirent obtenir des conseils en dehors des événements organisés. Il est extrêmement important de rémunérer les Aînés de manière convenable.

6. Une formation à une sensibilisation aux questions autochtones est essentielle. Une telle formation devrait être assurée par des personnes autochtones, idéalement par des personnes appartenant à la communauté locale. Ce type de formation peut se faire au cours de toute une journée pour tout le personnel et devrait avoir lieu au moins une fois par an. L’on devrait également encourager le personnel à obtenir une formation de sensibilisation à la culture autochtone en dehors des formations internes, par exemple à l’université ou aux collèges.

7. Les présentations d’invités peuvent avoir un impact positif. Bien que les formations d’une journée complète puissent être très utiles, les présentations d’invités sur les questions autochtones peuvent être plus courtes et plus fréquentes. Ces présentations peuvent être menées par des Aînés, des Gardiens du savoir, des prestataires de services axés sur les Autochtones et des chercheurs universitaires. Les présentations peuvent s’adresser au personnel, aux membres du conseil d’administration ou aux participants du programme (c.-à-d. les clients). L’on peut organiser ces présentations à l’heure du déjeuner pour le personnel travaillant de 9 à 5, ou organiser une série de conférences le soir dans un centre d’urgence ou un immeuble locatif par exemple. Les présentateurs doivent recevoir des honoraires et leurs dépenses doivent être couvertes.

8. Il est très important de disposer d’un personnel autochtone. Les organismes du secteur de l’itinérance devraient chercher à être dotés d’un personnel comparable à celui de la population qu’ils desservent, c’est-à-dire que si 25 % des clients sont autochtones, 25 % du personnel devrait également être autochtone. Cela peut nécessiter de recruter du personnel autochtone en dehors du secteur de l’itinérance et d’ensuite lui fournir une formation sur l’itinérance. De la même façon, les organismes d’aide aux sans-abri devraient s’efforcer d’avoir une représentation autochtone au sein de leur conseil d’administration et de leurs équipes de direction (c.-à-d. de la gestion).

9. Les partenariats sont essentiels. Bon nombre d’organismes à but non lucratif ne disposent que de peu de personnel autochtone, si ce n’est d’aucun. Cependant, ils souhaitent offrir des services culturellement adaptés aux personnes autochtones. Une façon de faire la quadrature du cercle, pour ainsi dire, est de contacter les organismes locaux qui disposent d’une telle capacité institutionnelle. Par exemple, un organisme (que nous appellerons l’Agence A) peut faire appel à un organisme détenant une forte capacité de soutien spécifique pour les Autochtones (l’Agence B). L’Agence A peut payer l’Agence B pour offrir des services centrés sur les Autochtones à l’Agence A. En outre, l’Agence A peut engager des services de consultants privés qui se spécialisent dans les services culturellement adaptés aux peuples autochtones.

10. Une évaluation et un contrôle soutenus peuvent faire toute la différence. Les mécanismes de responsabilisation comprennent un cadre d’évaluation prévoyant des intrants, des extrants et des résultats adaptés aux Autochtones. Un sondage annuel visant spécifiquement les clients autochtones peut aussi s’avérer utile. Les pratiques d’évaluation devraient intégrer les traditions orales. Les personnes autochtones doivent participer à l’élaboration de tout cadre d’évaluation.

En résumé. Ceci est un sommaire du chapitre 6 d’un manuel interdisciplinaire à libre accès rédigé par un auteur et ayant pour objectif de fournir une introduction à l’itinérance pour les étudiants, les prestataires de services, les chercheurs, les décideurs politiques et les défenseurs. Tout le matériel de ce livre est disponible gratuitement ici. Les nouveaux chapitres seront téléchargés au fur et à mesure qu’ils seront complétés tout au long de l’année.

Je tiens à remercier Sylvia Regnier et Annick Torfs pour l’aide qu’elles m’ont apporté dans la préparation de ce billet de blogue.