Qu’est-ce qui cause l’itinérance ?
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J’écris un livre numérique à libre accès portant sur l’itinérance et je viens de lancer le premier chapitre, intitulé « Qu’est-ce qui cause l’itinérance ? » La version PDF du chapitre intégral est disponible ici (en anglais seulement).
En voici 10 faits saillants.
1. Les causes structurelles de l’itinérance déterminent si une communauté a peu ou beaucoup d’itinérance. Le mieux que nous comprenons ces causes, le plus que nous pouvons travailler collectivement afin de réduire l’itinérance.
2. La majeure cause structurelle de l’itinérance est un manque d’alignement entre la disponibilité de logements abordables et le revenu. Ce fait est compliqué par des désaccords sur trois choses : 1) quels facteurs sont davantage responsables pour ce manque d’alignement; 2) sur quels leviers politiques devrait-on appuyer pour le rectifier; et 3) comment devrait-on financer ces changements de politiques.
3. Même dans une communauté ayant amplement de logements abordables, un certain taux d’itinérance est inévitable. C’est parce que certaines personnes sont incapables de maintenir un logement pour une période, même si on leur fournit un logement abordable avec du personnel de soutien.[1]
4. D’autres causes structurelles sont le racisme systémique, le colonialisme, l’homophobie et la transphobie. Ces facteurs importants seront abordés plus en détail dans d’autres chapitres de ce livre. En ce même sens, les facteurs uniques à l’itinérance parmi les femmes, les jeunes et d’autres groupes méritent leurs propres discussions.
5. Des facteurs de risque individuels font en sorte que certaines personnes sont plus susceptibles à l’itinérance que d’autres. Si les responsables réussissent à les comprendre, iels peuvent : a) cibler les personnes concernées avec des programmes de prévention spécifiques; et b) mettre sur pied des programmes qui sont façonnés spécifiquement pour les appuyer lorsqu’elles se retrouvent en situation d’itinérance.
6. Une étude récente résume des résultats de recherche majeurs sur les facteurs de risque individuels dans des pays à revenu élevé. L’étude, disponible ici (en anglais seulement), démontre que les caractéristiques suivantes sont plus présentes chez les personnes ayant vécu l’itinérance : un historique de placements en famille d’accueil; un historique de tentatives de suicide; un historique de fugues; et un historique de comportements criminels.
7. La discussion entourant les facteurs de risque individuels peut être difficile. C’est parce qu’il peut y avoir des désaccords intenses entourant l’utilisation des ressources limitées afin de cibler chaque groupe à risque élevé (ou même de les cibler du tout) et quel pallier du gouvernement devrait financer les interventions nécessaires.
8. On ne devrait pas mettre en cause les personnes ayant ces facteurs de risque parce qu’elles vivent avec ceux-ci. Les enfants ne choisissent pas d’aller en famille d’accueil; ils s’y retrouvent plutôt par des moyens hors de leur contrôle. Et dans plusieurs cas, une pénurie de logements abordables est elle-même un facteur duquel découlent les autres facteurs de risque. De même, la pauvreté peut avoir une incidence sur la santé mentale, qui pourrait ensuite entraîner une tentative de suicide.
9. Les défaillances des systèmes font référence aux systèmes financés publiquement mal conçus ou mal appliqués qui exacerbent l’itinérance. Quelques exemples sont les établissements correctionnels qui déchargent sans planification suffisante les personnes dans des situations d’itinérance et les systèmes de protection des enfants qui permettent aux jeunes d’atteindre leur majorité trop tôt ou avec des supports inadéquats.
10. Quelques facteurs sont difficiles à quantifier. Par exemple, ce n’est pas facile pour un.e chercheur.se de mesurer une défaillance de système dans un modèle statistique. On peut dire de même pour le racisme systémique, le colonialisme, l’homophobie et la transphobie.
En somme. Ceci est un sommaire du premier chapitre d’un manuel à auteur unique, interdisciplinaire et à libre accès ayant comme but d’offrir une introduction à l’itinérance pour des étudiant.e.s, des fournisseurs.euses de services, des chercheurs.ses et des intervenant.e.s. Toute la matière du manuel est disponible gratuitement ici. Les chapitres seront téléversés au courant de l’année à mesure que je les complète.
Je souhaite remercier Sylvia Regnier, Vincent St-Martin et Alex Tétreault pour leur appui avec ce billet.
[1] C’est une des conclusions de l’étude At Home/Chez Soi Study, la plus grande étude prospective randomisée et contrôlée de l’histoire canadienne.