Le logement abordable et l’itinérance à Helsinki, Finlande
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J’ai récemment mis sur pied un voyage d’étude à Helsinki, en partenariat avec l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine et le Chartered Institute of Housing Canada. Ce voyage était centré sur le logement abordable et l’itinérance dans un pays qui a pratiquement éliminé l’itinérance absolue (voir l’illustration ci-dessous). Vous pouvez consulter mes observations sommaires sur la tournée ici (disponibles en anglais uniquement).
Voici dix points à retenir :
1. La Finlande est un pays où les dépenses publiques sociales sont importantes. En Finlande, les dépenses publiques sociales représentent 29 % du produit national brut (PNB). La moyenne de l’OCDE s’élève à 21,1 %, tandis que celle du Canada est de 24,9 % (tous ces chiffres sont disponibles ici). Ces dépenses sociales permettent à la Finlande d’investir dans une grande gamme de programmes sociaux (reliés directement et indirectement à l’itinérance) qui peuvent aussi bien prévenir que gérer l’itinérance.
2. Le niveau de fiscalité est également plus élevé en Finlande que dans beaucoup d’autres pays. Le rapport impôts/PNB de la Finlande se chiffre à 42,4 %. La moyenne de l’OCDE est de 33,9 %, tandis que celle du Canada se situe à 34,8 % (vous pouvez consulter ces chiffres ici). Ce niveau d’imposition aide à financer les dépenses sociales publiques élevées de la Finlande.
3. La Finlande compte bien plus de logements communautaires (c.-à-d. logements sociaux) par habitant que la plupart des autres pays. En Finlande, 10,9 % des logements sont des logements locatifs sociaux. La moyenne de l’OCDE est de 7,1 %, tandis que la moyenne du Canada s’élève à 3,5 %, ce qui signifie que le taux de logements sociaux de la Finlande est trois fois plus élevé qu’au Canada (vous pouvez consulter ces chiffres ici). Un des avantages clés des logements communautaires est qu’ils permettent de garder les loyers bas à long terme.
4. Pour ce qui est de la demande, la Finlande offre des allocations de logement relativement généreuses (ce qui aide les locataires à pouvoir payer leur loyer). La Finlande dépense considérablement plus que la plupart des pays de l’OCDE en allocations de logement (par rapport au PNB). Le Canada investit considérablement moins[1]. Cela aide les ménages à faible revenu à payer leur loyer dans le cadre des logements privés et des logements communautaires. En Finlande, il s’agit d’un programme de droit, ce qui signifie qu’il n’y a pas de liste d’attente pour les ménages qui répondent aux critères d’admissibilité.
5. Même si les dépenses sociales publiques sont importantes, l’itinérance peut persister. Nous pouvons ainsi comprendre comment la Finlande a connu des niveaux considérables d’itinérance à différentes époques de son histoire (voir l’illustration ci-dessus).
6. La Finlande a vu une réduction importante et soutenue de l’itinérance à partir de la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990. Ceci était dû aux deux facteurs suivants :
i) Une vague énorme de construction de logements sociaux qui a entraîné une création annuelle de dizaines de milliers de nouveaux appartements abordables de manière permanente et souvent destinés aux ménages à faibles revenus;
ii) Un effort national visant à réduire l’itinérance (lancé en 1987) qui exigeait que les municipalités assument une plus grande responsabilité pour garantir un logement aux groupes vulnérables, y compris les personnes en situation d’itinérance. Par conséquent, des villes comme Helsinki ont acheté et attribué des appartements destinés spécifiquement aux personnes en situation d’itinérance.
7. Dès 2007, la Finlande a gagné du terrain dans sa lutte contre l’itinérance. Un nouveau ministre du logement (provenant d’un parti politique centre droit) a lancé une nouvelle approche en 2007. L’année suivante, le programme Logement d’abord a été introduit en Finlande en même temps qu’un nouvel investissement important dans les logements de soutien. Selon les propos de Juha Kahila : « Nous nous sommes engagés à fond. Pas de programmes pilotes. Pas de villes pilotes. » Cela impliquait également beaucoup de formation pour le personnel de première ligne.
8. En Finlande, les sorties des systèmes publics vers l’itinérance peut représenter un défi. En revanche, la bonne nouvelle est qu’il n’y a aucun cas de sortie des services de la protection de l’enfance vers l’itinérance. Les sorties des hôpitaux vers l’itinérance existent mais sont rares. Malheureusement, les sorties de prison vers l’itinérance se produisent (et il s’agit là d’une lacune du système finlandais).
9. De nombreux fournisseurs de logements communautaires à Helsinki offrent des possibilités d’emploi assisté à leurs locataires. Étant donné que beaucoup de ces locataires font face à de graves problèmes de santé, les « activités professionnelles à faible seuil » sont courantes. Celles-ci comprennent le nettoyage, le déneigement et l’entretien de base. Ces activités sont payées 2 euros de l’heure, à concurrence de 4 heures par jour (soit 8 euros par jour). Les travailleurs sont payés en espèces, deux fois par semaine. De plus, cela n’affecte pas leur droit à l’aide au revenu.
10. Toutefois, la situation des sans-abri à Helsinki n’est pas toujours positive à l’heure actuelle. En plus des défis associés aux sorties de prison vers l’itinérance, Helsinki est très touchée par l’arrivée d’une drogue de synthèse relativement nouvelle, soit l’Alpha PHP. De plus, le trafic et la consommation publiques de drogues sont devenus bien plus fréquents au cours des deux ou trois dernières années (les drogues sont essentiellement fumées, mais l’on voit aussi une consommation de drogues injectables). Enfin, un gouvernement relativement nouveau a commencé à réduire les investissements dans des programmes de bien-être social importants, ce qui peut expliquer une augmentation récente des personnes en situation d’itinérance.
En résumé. L’histoire de la Finlande en matière d’itinérance laisse à penser que des programmes et des dépenses ciblés dans un contexte de dépenses sociales publiques vigoureuses peut mener à une réduction importante de l’itinérance.
Je tiens à remercier Juha Kahila, Jenny Morrow et Annick Torfs pour leur aide dans la préparation de ce billet de blogue.
[1] Les chiffres pour la Finlande sont disponibles ici. Pour les chiffres canadiens, vous pouvez lire l’analyse de Greg Suttor ici (voir la note de fin de texte no 93).