COVID et itinérance : 10 faits saillants

Dec 4, 2021

An English-language version of this blog post is available here.

J’ai récemment été invité par la Economics Society of Northern Alberta à participer comme conférencier à leur 2022 Outlook Conference et de parler au sujet des impacts de la pandémie de la COVID-19 sur l’itinérance. Mes diapositives sont disponibles ici.

En voici 10 faits saillants. 

1. Il y a eu du développement positif dans la planification relative à l’itinérance durant la pandémie. Les responsables ont augmenté la distanciation physique en reconfigurant les espaces existants, acquérant de nouveaux espaces et en payant des chambres d’hôtel. On continue à emménager les gens vivant en situation d’itinérance dans du logement permanent (quoiqu’ils sont limités par une pénurie de logements abordables).

2. Il y a des défis persistants dans le secteur. On compte parmi ceux-ci : une augmentation de la visibilité de gens dormant à l’extérieur (surtout pendant du temps chaud) ; des salles de toilette partagées et autres espaces communs ; les coûts plus élevés rattachés au nettoyage de ces espaces communs ; un manque de coopération de la part des centres correctionnels (p. ex. en libérant les détenus directement dans l’itinérance ); et les nouveaux cas d’itinérance causés par le ralentissement économique. 

3. Le Gouvernement du Canada a fait de nouveaux investissements substantiels contre l’itinérance pendant la pandémie. Il a annoncé un financement unique de 157,5 millions de dollars au programme Vers un chez-soi en mars 2020 (Vers un chez-soi est le véhicule principal du gouvernement fédéral pour le financement contre l’itinérance). Et en septembre 2020 il a annoncé un 236,7 millions de dollars additionnel pour le programme, en plus d’un milliard de dollars pour le logement modulaire, l’acquisition de terrains et la conversion d’immeubles existants en logements abordables (par le biais de la nouvelle Initiative pour la création rapide de logements).

4. Des partenariats importants ont été forgés entre des responsables de l’itinérance et des responsables de la santé. Par exemple, davantage de centres de soins d’urgence de Toronto se sont mis à offrir des soins de santé primaire sur les lieux, c’est-à-dire l’offre de service de médecins de famille et d’infirmières. Certains refuges pour sans-abris de la Ville Reine offrent même des services de pharmacie réguliers à partir de leurs installations. Dans les refuges de Calgary, on a aussi noté une présence accrue d’agents paramédicaux et d’infirmières-praticiennes.

5. Plusieurs exemples positifs de partenariats mettant de l’avant les visions et besoins des communautés autochtones ont pris forme pendant la pandémie. En particulier, on note une clinique de vaccination à Calgary avec la présence continue d’un·e Aîné·e. Des cliniques de dépistage et de vaccination à Winnipeg dirigées par et pour ces communautés ont également été bien reçues.

6. Des approches priorisant la réduction des méfaits ont vu énormément de succès dans certaines villes. Dans ce contexte, la réduction des méfaits est une technique d’intervention qui cherche à réduire les risques associés à la consommation de l’alcool et des drogues sans nécessairement exiger l’abstention complète de la consommation. À Ottawa, des services de consommation supervisée avec un approvisionnement sûr de cannabis sont tous les deux offerts dans un site d’isolement désigné pour les personnes vivant en situation d’itinérance. De plus, les autorités territoriales de Yellowknife ont distribué de l’alcool dans les sites d’isolement pour les personnes vivant en situation d’itinérance.

7. Plusieurs villes ont élargi leurs programmes de prévention d’expulsion. Ces expansions comprennent de l’aide financière à court terme qui sert à défrayer une variété de coûts, permettant ainsi aux ménages à risque de l’itinérance de soit conserver leur logement ou de rapidement s’en trouver un nouveau. On retrouve habituellement parmi ces coûts les arriérés de loyer ou de services publics, un premier paiement pour le loyer, un dépôt en cas de dommages et des frais de déménagement. Tandis que les initiatives elles-mêmes ne sont pas nouvelles, la pandémie a donné aux responsables municipaux une raison d’accroître leur disponibilité.

8. L’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) fut un atout pour les systèmes de planification en matière d’itinérance, avec quelques réserves. Cette initiative fédérale (mentionnée plus haut) offre du financement pour des logements modulaires, l’acquisition de terrains, la conversion d’immeubles existants en logements abordables et la réclamation de propriétés abandonnées et délaissées. Plusieurs projets attendent toujours des nouvelles de la part de leur gouvernement provincial respectif s’ils vont recevoir du financement opérationnel, ce qui va par la suite dicter quelles sortes de soutien en travail social pourront être fournies et quels types de ménage pourront y être accueillis. En ce moment, l’ICRL est considéré la meilleure initiative de logement fédérale pour s’attaquer à l’itinérance chronique. Durant la campagne électorale récente, les Libéraux ont promis de doubler le financement pour l’initiative.

9. Le ralentissement économique pourrait créer de nouveaux cas d’itinérance. Il est vrai que les analyses statistiques menées au fil des années ne démontrent pas une relation claire entre le chômage et l’itinérance ; cependant, la majorité de ces recherches ont eu lieu aux États-Unis.

10. Pour prévenir de nouveaux cas d’itinérance, les paliers gouvernementaux supérieurs doivent à la fois suivre une variété d’indicateurs et financer des initiatives de prévention. J’ai déjà mentionné ici à quoi devrait ressembler cette surveillance. Les initiatives de prévention pourraient inclure une bonification de l’Allocation canadienne pour le logement (de l’aide financière pour les ménages à faible revenu) ; une approche douce au recouvrement des trop payés de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ; un nouveau régime de financement fédéral pour la prévention de l’itinérance ; un niveau plus élevé de prestations à l’aide sociale ; et le rétablissement de l’éligibilité à l’aide sociale des récipiendaires devenus inadmissibles en raison de la PCU.

En somme. Plusieurs responsables en matière d’itinérance ont fait du bon travail durant la pandémie, appuyés par de nouvelles injections de financement. Toutefois, une augmentation marquée dans la visibilité de gens dormant à l’extérieur dans plusieurs villes est préoccupante. Des mesures significatives sont nécessaires afin de prévenir une augmentation de l’itinérance découlant de la crise économique. 

Je souhaite remercier Sylvia Regnier, Vincent St-Martin et Alex Tétreault pour leur appui avec ce billet.