Le budget fédéral canadien de 2023
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Le budget fédéral de 2023 a été déposé le 28 mars. On y retrouve davantage de financement pour le milieu de la santé, des incitatifs pour « l’énergie propre, » de nouveaux fonds pour les soins dentaires et nouveau remboursement ponctuel pour l’épicerie destiné aux Canadien∙nes et aux familles à revenu faible et modeste.
Pour ce que le budget a à dire sur le logement et l’itinérance, voici sept choses à savoir :
1. De nouvelles sommes ont été annoncées pour le logement abordable. Le budget octroie du nouveau financement à la hauteur de 4 milliards de dollars — bien qu’il s’étendrait sur sept ans, commençant en 2024-2025 — « afin de mettre en œuvre une stratégie de logement autochtone en milieu urbain, rural et nordique. » Le montant engagé est modeste considérant l’ampleur du défi. Plus d’information expliquant pourquoi une stratégie bien financée est nécessaire est disponible ici.
2. Le budget n’a pas tenu en compte les appels pour une nouvelle prestation en logement. Depuis plusieurs mois, l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance (ACMFI) mène une campagne nationale exigeant une nouvelle prestation pour les logements à revenu faible (la prestation proposée a reçu un soutien favorable dans les sondages d’opinion). Un avantage d’une telle mesure est que celle-ci peut prendre effet rapidement et avoir un impact immédiat en remettant de l’argent directement dans les poches des logements à revenu faible.
3. Le soutien actuel provenant du gouvernement fédéral pour des approches axées sur la demande en ce qui a trait à l’abordabilité des logements — tels que ceux proposés par l’ACMFI — est très modeste. Seulement 11 % des domiciles canadiens dans les deux quintiles les plus bas reçoivent des subventions au loyer (c.-à-d. des prestations d’aide au logement), alors que le taux comparatif pour l’OCDE est de 16 %. De plus, les dépenses liées aux subventions au loyer ne représentent que 0,19 % du produit intérieur brut canadien, à comparer au taux correspondant de 0,26 % chez l’OCDE.[1] Il est important que le Gouvernement du Canada mette en place la proposition de l’ACMFI.
4. Le soutien existant pour des initiatives d’abordabilité axées sur l’offre — c.-à-d., des subventions permettant la réduction des loyers — est aussi très modeste au Canada. Les logements sociaux ou non marchands constituent seulement 4 % de la réserve de logements canadienne, alors que la moyenne des États membres de l’OCDE est de 7 % (ces données sont disponibles ici). Des investissements supplémentaires du côté de l’offre — c.-à-d. le Fonds national de co-investissement pour le logement et l’Initiative pour la création rapide de logements — ont été essentiels. L’avantage de ces approches axées sur l’offre est la promesse de l’abordabilité de la réserve de logements sur le long terme (tel qu’illustré ici).
5. L’investissement du Gouvernement du Canada dans le dossier de l’itinérance demeure modeste. Selon un rapport fédéral publié en 2018, le gouvernement fédéral ne verse qu’un dollar aux initiatives visant l’itinérance pour chaque 13 dollars investi par d’autres sources (surtout par des provinces et municipalités). En fait, il aurait été raisonnable que ce budget contienne des augmentations de financement pour Vers un chez-soi (le véhicule principal du gouvernement canadien pour le financement relié à la lutte contre l’itinérance).
6. Depuis 2016, les prix immobiliers ont explosé dans les grandes villes canadiennes. On compte parmi les principaux moteurs de cette augmentation des faibles taux hypothécaires et davantage d’investissements de la part des propriétaires, augmentant en fin du compte le risque de plusieurs ménages à faible revenu de basculer vers l’itinérance. Il est également devenu plus difficile pour les gens vivant en situation d’itinérance à accéder au logement.[2]
7. On voit davantage de signes du sommeil à l’extérieur et du « désordre social » associé à une augmentation de l’itinérance. Bien que le Canada effectue un travail moins qu’optimal à mesurer le sommeil à l’extérieur, les preuves anecdotiques suggèrent que ce dernier a considérablement augmenté depuis le début du COVID-19. De plus, dans la dernière année, les médias ont discuté davantage des troubles sociaux liés à l’itinérance. Ce budget aurait pu en faire davantage pour adresser la situation — compte tenu des dépenses fédérales modestes dans ce dossier, discutées ci-haut au point 5.
En conclusion. Malgré l’annonce de nouveaux investissements dans le dossier du logement, ce budget a probablement déçu pour la majorité des intervenant∙es luttant contre l’itinérance et des défenseur∙es du logement abordable. Du soutien budgétaire accru aurait été bien reçu.
J’aimerais remercier George Fallis, Sean Gadon, Nicholas Gazzard, Steve Pomeroy, Shayne Ramsay, Sylvia Regnier, Tim Richter, Greg Suttor, Ray Sullivan, Alex Tétreault et un∙e réviseur∙e anonyme pour leur appui avec ce billet.
[1] Suttor, G. (2022). Social housing: Strong city roles need regional and federal-provincial partnerships. Dans E. Slack, G. Eidelman, & T. Hachard (Eds.), Who does what: The municipal role in housing policy. IMFG Perspectives No. 33. Toronto : Institute on Municipal Finance and Governance, Université de Toronto.
[2] Pomeroy, S. (2022, 30 août-2 septembre). Examining the causes of escalating home prices in Canada [Paper presentation]. Conférence annuelle du European Network for Housing Research, Barcelone, Espagne.