Une introduction au logement supervisé et le Logement d’abord

Une introduction au logement supervisé et le Logement d’abord

Une introduction au logement supervisé et le Logement d’abord

An English-language version of this blog post is available here.

Le 3 février 2021, j’étais conférencier dans le séminaire d’études supérieures de Greg Suttor au département de géographie et de planification de l’université de Toronto (un grand honneur puisque Greg est un de mes mentors depuis longtemps). Ma présentation portait sur les liens entre les univers du logement et du sans-abrisme au Canada (et plus particulièrement à Toronto).

La présentation entière et détaillée est disponible (en anglais) ici.

Voici 10 choses à savoir à ce sujet :

1. Au Canada, la plupart des gens qui réfléchissent à la question s’entendent pour dire que le logement subventionné est essentiel afin de le prévenir et de répondre au sans-abrisme. Toutefois, il existe des débats importants : la quantité additionnelle de logements abordables requis; à qui devraient servir le nombre limité de logements; quels sont les meilleurs modèles de logements subventionnés; et à quel degré chaque logement devrait-il être subventionné?

2. Les élus ne s’entendent pas sur la répartition des couts des subventions. À l’heure actuelle, le consensus est que le gouvernement fédéral canadien devrait s’acquitter des frais de développement (par exemple, le capital), mais on ne s’entend pas à savoir qui devrait financer les frais d’exploitation conséquents. Les paliers de gouvernements jouent en quelque sorte à voir qui cèdera en premier, ce qui limite la quantité de nouveaux logements abordables créés chaque année.

3. En Ontario, lorsque le sans-abrisme est survenu comme défi de politique publique dans les années 80, les personnes itinérantes sont devenues un point focal majeur de la politique sur le logement. Une approche de l’époque consistait à reloger les itinérants dans des logements abordables et leur offrir de l’assistance sociale. Aujourd’hui, cette approche s’appelle le logement supervisé (et de nos jours, Logement d’abord en est presque un synonyme). La plupart des résidents qui ont recours au logement supervisé au Canada sont des adultes célibataires n’ayant personne à charge et qui ont de sérieux défis de santé mentale. 

4. Ce changement de cap n’est pas survenu dans un vacuum politique – assurément, le militantisme politique a joué un rôle central à son avènement. À Toronto, cela a compris la création du Singles Displaced Persons Project (ou « le projet des personnes célibataires déplacées »), du mouvement des « survivants/consommateurs » qui avait pour slogan « homes not hostels » (ou « un domicile, pas du dépannage ») ainsi que la mise sur pied d’organismes tels Houselink Community Homes, et Homes First Society.

5. Le genre d’appui social offert conjointement avec le logement supervisé fait l’objet de débat. Lorsque j’offrais de tels appuis en travaillant à Toronto, j’aidais les locataires à tenir compte de leurs rendez-vous (par exemple chez le médecin, avec de travailleurs sociaux pour le revenu, ou pour des comparutions en cour). Je les ai souvent accompagnés à leurs rendez-vous. Je les ai défendus s’ils étaient menacés d’éviction et les ai aidés à déménager lorsque cela était nécessaire. Il m’est souvent arrivé de les inviter à prendre un café également.

6. Le logement supervisé permanent adapté au milieu facilite l’organisation d’activités sociales en groupe. On parle ici d’un édifice entier où l’ensemble des locataires ont recours au logement supervisé (plutôt qu’une simple proportion de ses locataires). Ce genre de logement supervisé comprend habituellement du personnel d’appui sur place et dans certains cas, le personnel demeure sur place en tout temps. Le logement supervisé permanent adapté au milieu peut offrir un important appui avec la gestion d’invités et facilite la mise sur pied de programmes alimentaires, d’exercice physique, et de cours d’art.

7. Au Canada, le concept de Logement d’abord – qui est presque synonyme du logement supervisé – a commencé à être accepté au début des années 2000. La Ville de Toronto a beaucoup misé sur le concept à partir de 2005, et la Calgary Homeless Foundation s’y est intéressée également; les militants et les intervenants du domaine s’en servent maintenant à travers le Canada. La stratégie du Logement d’abord permet d’éliminer la condition exigeant qu’un locataire potentiel soit « prêt » à être logé pour l’être.

8. L’idéologie entourant le Logement d’abord ne se situe ni à droite ni à gauche de l’échiquier politique. Elle sert plutôt de “troisième approche” stratégique grâce à laquelle elle trouve des adeptes parmi les entrepreneurs chefs de fil, les élus de toute allégeance politique, et toute une gamme de militants. Cela s’explique en partie par le fait que le Logement d’abord promeut habituellement une redistribution des ressources existantes. Ça s’explique aussi par le fait que les adeptes du Logement d’abord favorisent l’usage de logements privés à but lucratif plutôt que des logements appartenu par des organismes à but non lucratif.

9. Le mérite de l’approche Logement d’abord a été démontré davantage par l’étude canadienne At Home/Chez soi. Dans cette étude randomisée et contrôlée, des participants de cinq villes avec des besoins modérés ont reçu une forme de Logement d’abord incluant une intervention de type Soutien d’intensité variable, tandis que les participants avec des besoins élevés ont reçu une forme de Logement d’abord incluant une intervention de type Suivi intensif. Les participants ont été interviewés tous les trois mois pendant deux ans. Les résultats étaient concluants et moins dispendieux.

10. La Stratégie nationale sur le logement, dévoilée en 2017, ne contient aucune provision spécifique pour le logement supervisé, et ne mentionne pas le Logement d’abord. Pourtant, dans le discours du Trône de septembre 2020, le gouvernement canadien s’engageait à « complètement éliminer le sans-abrisme chronique ». De plus, seulement 5% du nouvel argent a été mis de côté pour réduire le sans-abrisme chronique.

En conclusion, la bonne nouvelle c’est que la plupart des leadeurs du Canada croient que le logement supervisé est une bonne façon de prévenir et de répondre au sans-abrisme. Leur usage du langage de Logement d’abord en témoigne. La mauvaise nouvelle, c’est que la plupart des élus hésitent à engager les fonds nécessaires pour réduire le sans-abrisme – par exemple, la Stratégie nationale sur le logement semble insuffisamment financée pour atteindre l’objectif du gouvernement canadien de mettre fin au sans-abrisme chronique.

Je voudrais remercier Damian Collins, Stéphan Corriveau, John Ecker, Joshua Evans, George Fallis, Susan Falvo, Hayley Gislason, David Hulchanski, Michel Laforge, Steve Lurie, Geoffrey Nelson, Deborah Padgett, Angela Regnier, John Rook et Vincent St-Martin pour leur aide à la rédaction de ce billet.

Les effets à long terme de la récession de la COVID-19 sur le sans-abrisme au Canada

Les effets à long terme de la récession de la COVID-19 sur le sans-abrisme au Canada

Les effets à long terme de la récession de la COVID-19 sur le sans-abrisme au Canada

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J’ai rédigé un rapport pour Emploi et Développement social Canada qui présente les impacts les plus probables de la récession actuelle sur le sans-abrisme. Le rapport complet est disponible (en  anglais) ici.

Voici 10 choses à savoir à ce sujet.

  1. La récession actuelle risque de contribuer au sans-abrisme au Canada, mais plusieurs facteurs influenceront son ampleur. Parmi ceux-ci : le ressentiment des effets de la récession pourrait prendre jusqu’à cinq ans; les nombreux inconnus à l’horizon (par exemple, de potentielles vagues subséquentes de la pandémie, le développement d’un vaccin, la nature de futures prestations); les variantes démographiques d’une communauté à l’autre (notamment en ce qui concerne le marché du travail et le marché immobilier).
  1. L’effet de décalage de cinq ans s’explique en partie par la lutte pour éviter de perdre leur logement. Lorsque les ménages affronteront une perte de revenu ou d’emploi, ils pourraient tenter de négocier des arriérés de loyer avec le propriétaire de leur domicile; ils pourraient aussi emprunter de l’argent à des amis ou à d’autres membres de leur famille. Ils pourraient tenter d’emménager avec des amis, de la famille, ou dans un logement plus abordable. Le système de bienêtre social canadien a également pour effet de retarder les effets de la récession. Par exemple, les prestations d’assurance emploi (et plus récemment la Prestation d’urgence canadienne) peuvent atténuer les effets d’une perte d’emploi, aidant ainsi les ménages à maintenir leurs logements. Même si elle est moins généreuse, l’assurance sociale peut également contribuer à retarder le sans-abrisme.
  1. L’effet de décalage donne aussi la chance aux paliers gouvernementaux supérieurs de prévoir des initiatives contre le sans-abrisme. Puisqu’il pourrait prendre encore quelques années pour que l’on perçoive la croissance du sans-abrisme dû à la récession actuelle, il y a suffisamment de temps pour concevoir, implanter et observer les retombées de nouvelles mesures préventives. Ces nouvelles mesures pourraient cibler des ménages qui risquent de perdre leur logement, ou qui sont nouvellement sans-abris.[1] 
  1. L’impact de la récession variera d’une communauté à l’autre à travers le pays. L’état des marchés immobiliers, des systèmes d’aide financière, et de la planification du sans-abrisme varie à travers le Canada. De plus, les trajets des sans-abris migrant à travers le pays seront difficiles à prévoir au cours des prochaines années. Conséquemment, il sera difficile de prévoir dans quelles communautés et à quel moment surviendra l’augmentation du sans-abrisme. Nous savons par contre que les personnes les plus affectées par la récession de la COVID-19 sont : les jeunes, les femmes, les personnes célibataires et les personnes sans diplôme d’études secondaires.
  1. Afin de tenir compte des nombreux facteurs en jeu, les fonctionnaires doivent surveiller une variété d’indicateurs. Le rapport recommande à EDSC de tenir compte des indicateurs suivants tout au long de la récession : le taux de chômage officiel, la proportion de Canadiens qui tombent sous la Mesure axée sur les conditions du marché (surtout ceux qui tombent sous le seuil de 75%)[2]; les taux d’aide sociale; le cout médian des loyers; le taux d’inoccupation des loyers; la proportion de ménages qui consacre plus de 50% de leur revenu sur l’habitation; les expulsions; et le taux d’occupation quotidien des refuges d’urgence.
  1. Il faudra faire preuve de nuances avec ces données. Autant que possible, il faudra surveiller l’évolution de ces indicateurs depuis le début de la pandémie, ainsi qu’à travers les différentes régions et groupes démographiques précis (par exemple les femmes, les jeunes, les Autochtones, etc.)
  1. Le rapport recommande au gouvernement fédéral d’améliorer l’Allocation canadienne pour le logement (ACL). Cette prestation offre une aide financière aux foyers à faible revenu afin de payer leur loyer. Il est prévu que la moitié de cet argent proviendra du gouvernement fédéral, et que l’autre moitié proviendra des gouvernements provinciaux et territoriaux. L’ACL devait être lancée le 1er avril 2020, cependant, il n’y a que cinq provinces qui ont signé l’entente. Le gouvernement fédéral pourrait augmenter son apport à l’ACL afin d’encourager le restant des provinces et territoires à en faire autant. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait offrir d’assurer les deux tiers ou les trois quarts des couts.
  1. Le rapport recommande également que le gouvernement fédéral fasse preuve de souplesse quant au recouvrement des montants excédentaires de la Prestation canadienne d’urgence (PUC) versés aux prestataires d’aide sociale. Il est nécessaire de souligner ce point vu la confusion considérable entourant le lancement de la PUC. Une telle approche pourrait comprendre un recouvrement partiel chez ces individus (par l’entremise du système d’impôts), et une amnistie totale devrait être considérée dans certains cas. 
  1. Le rapport recommande qu’EDSC mette sur pied une nouvelle source de financement pour le programme Vers un chez-soi (le véhicule principal par lequel le gouvernement fédéral lutte contre le sans-abrisme). Le rapport aborde la réussite d’effets préventifs aux États-Unis à la suite de la récession de 2008-2009, et encourage EDSC à mettre sur pied un programme semblable au Canada. Le programme pourrait mettre de l’avant une aide financière de courte-durée pour les ménages qui sont à risque de perdre leur logement, en train de le perdre, ou qui l’ont perdu récemment. Les cibles pourraient évoluer au fil du temps, à la lumière de changements survenant dans les indicateurs mentionnés précédemment (taux de chômage officiel, proportion des gens avec des revenus inférieurs à la Mesure axée sur les conditions du marché, etc.).
  1. Le rapport propose des changements politiques que pourraient entamer les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ceux-ci comprennent une augmentation des prestations d’aide sociale, de rétablir l’admissibilité des gens disqualifiés de l’aide sociale à cause de la PUC, et encourager les refuges d’urgence à prioriser les solutions basées sur le logement.

En résumé, puisque nous sommes conscients que le sans-abrisme risque d’augmenter au Canada en raison de la récession, les paliers gouvernementaux supérieurs doivent limiter les dégâts. S’ils sont bien conçus, les efforts de prévention du sans-abrisme peuvent être plus économiques que des réponses d’urgences postérieures.

J’aimerais remercier Susan Falvo, Michel Laforge et Vincent St-Martin pour leur appui pendant la rédaction de ce billet.

[1] Il est également très important de continuer à adresser le sans-abrisme existant. J’ai écrit à ce sujet ici (billet en anglais).

[2] Pour d’autres informations par rapport à la Mesure axée sur les conditions du marché, lisez ce billet (en anglais).

Les effets à long terme de la récession de la COVID-19 sur le sans-abrisme au Canada

The long-term impact of the COVID-19 Recession on homelessness in Canada

The long-term impact of the COVID-19 Recession on homelessness in Canada

La version française de ce billet se trouve ici.

I’ve written a report for Employment and Social Development Canada (ESDC) that assesses the likely long-term impact of the current recession on homelessness. The link to the report is here.

Here are 10 things to know:

1. The current recession may contribute to rising homelessness across Canada, but that matter is complicated by several factors. Those factors include: a lag effect of up to five years from the time a recession starts until its impact fully plays out; the many unknowns that lie ahead (e.g., whether there will be future waves of the pandemic, when and if a vaccine is developed, what types of new social benefits are announced, etc.); and differences from one community to another (with respect to both the labour market and housing market, for example).

2. A recession’s lag effect stems in part from a strong desire of households to avoid absolute homelessness. When faced with reduced income or outright job loss, a household may try to arrange a rental arrears plan with their landlord; they may also borrow money from family and friends. They may try to move into cheaper housing as well, or move in with family or friends. The lag effect also stems from Canada’s elaborate social welfare system. For example, Employment Insurance (and more recently the Canada Emergency Response Benefit) can cushion the blow from job loss and help households hang on to their housing. Social assistance, while not as generous, can also delay homelessness onset.

3. This lag effect means there is time for senior orders of government to plan homelessness prevention initiatives. Since it could be a few years before we see rising homelessness in some communities as a result of the current recession, there is time for preventive measures to be designed, implemented and to take effect. Those measures could target households that are either at serious risk of becoming homeless or that have just become homeless.[1]

4. The recession’s impact on homelessness will vary from one community to another. Housing markets, income assistance systems and homelessness system planning frameworks vary across Canada. What is more, migration patterns over the next several years will be hard to predict. As a result, it is challenging to say which Canadian communities will see rising homelessness at what junctures in time. We do know that, thus far, the following types of workers in Canada have been most directly affected by the COVID-19 Recession: young people, women, nonmarried persons, and persons without high school accreditation.

5. In order to monitor the many complex factors involved here, policy-makers needs to track various indicators. The report recommends that ESDC track the following indicators as the recession unfolds: the official unemployment rate; the percentage of Canadians falling below the Market Basket Measure (and especially those falling below 75% of the Market Basket Measure);[2] social assistance benefit levels; median rent levels; the rental vacancy rate; the percentage of households with extreme shelter cost burdens; evictions; and average nightly occupancy in emergency shelters.

6. This tracking will require some nuance. As much as possible, such tracking should emphasize both how these indicators have changed since the start of the pandemic, and how this change varies across both geographical areas and specific populations (e.g., women, youth, Indigenous peoples, etc.).

7. The report recommends that the federal government enhance the Canada Housing Benefit (CHB). This benefit provides financial assistance to help low-income households afford rent. It is expected that half of this money will come from the federal government, and the other half from provinces and territories. The CHB was supposed to launch nationally on 1 April 2020; however, just five provinces have formally agreed to terms regarding the CHB. The federal government could increase the value of this benefit, which could encourage other provinces and territories to sign on. For example, the federal government might offer 2/3 or 3/4 cost-sharing.

8. The report also recommends that the federal government take a soft approach to recovering CERB overpayments from social assistance recipients. This is important in light of the considerable confusion that existed as the CERB was being rolled out. Such an approach might include not trying to fully recover the value of the CERB from these individuals (via the tax system). Even complete amnesty should be considered in some cases.

9. The report recommends that ESDC introduce a new funding stream for Reaching Home (i.e., the federal government’s main funding vehicle for homelessness). The report discusses the successful implementation of prevention efforts in the United States following the 2008-2009 Recession, and encourages ESDC to introduce something similar for Canada. A new prevention stream could focus on time-limited financial assistance directed at households who are either still housed (but at risk of becoming homeless), are in the process of losing their housing, or who have just begun to experience absolute homelessness. Targeting can evolve over time, in light of changes seen in the aforementioned indicators (e.g., the official unemployment rate, the percentage of persons with incomes below the Market Basket Measure, etc.).

10. The report identifies policy changes that could be made by provincial and territorial governments. These include increases to social assistance benefit levels, the reinstatement of social assistance eligibility for recipients who became ineligible due to the CERB, and the encouragement of housing-focused practices at emergency shelters.

In sum. Since we know there is serious risk for more homelessness in Canada as a result of the current recession, senior orders of government need to limit the damage. Well-designed prevention efforts can be more cost-effective than emergency responses after the fact.

I wish to thank Susan Falvo and Vincent St-Martin for assistance with this blog post.

[1] It is also very important to continue addressing existing homelessness. I’ve written about that here.

[2] For more on the Market Basket Measure, see this blog post.

L’isolement, la distanciation physique, et les prochaines étapes concernant le sans-abrisme : Un survol de 12 villes canadiennes

L’isolement, la distanciation physique, et les prochaines étapes concernant le sans-abrisme : Un survol de 12 villes canadiennes

L’isolement, la distanciation physique, et les prochaines étapes concernant le sans-abrisme : Un survol de 12 villes canadiennes

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Pendant la pandémie de la Covid-19, les fonctionnaires des grandes villes canadiennes ont travaillé de pair avec les responsables de la santé et d’autres secteurs afin d’augmenter la distanciation physique chez la population itinérante. Dans un récent rapport (disponible en anglais ici), j’offre un survol de ce à quoi ressemble la situation à Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Edmonton, Ottawa, Winnipeg, Québec, Hamilton, Régina, Saskatoon et Saint-Jean.

Voici 10 points saillants issus du rapport.

  1. Le rapport a été commandé par la Calgary Homeless Foundation (CHF). En tant que planificateur du système d’aide aux itinérants, la CHF souhaitait faire un survol des actions prises par les autorités responsables en sans-abrisme dans d’autres villes pendant cette période sans précédent. Initialement, le rapport était destiné à un usage interne, mais la CHF a décidé de le rendre public afin que les intervenants en sans-abrisme, des chercheurs, et des militants d’ailleurs puissent mieux comprendre le portrait national.
  1. Les autorités responsables en sans-abrisme au Canada ont augmenté la distanciation physique grâce à de nombreuses mesures. Ils ont augmenté les mesures de distanciation physique dans les refuges existants, mis sur pied de nouvelles installations et créé des espaces prévus pour l’isolement et la quarantaine. Toronto et Vancouver se démarquent à cet égard puisque les deux villes ont garanti un nombre important de chambres d’hôtel pour qu’elles servent à ces fins.
  1. Les intervenants en sans-abrisme dans la plupart des grandes villes canadiennes ont continué à déplacer les gens des abris d’urgence vers des logements permanents. Ils ont également innové. Par exemple, plusieurs villes ont développé de nouveaux modèles pour déplacer les personnes itinérantes vers des logements permanents. Le rapport offre des explications détaillées à cet égard.
  1. Les réseaux de coopération entre les organismes se sont améliorés pendant la crise; cela est particulièrement vrai des intervenants en santé. Dans plusieurs cas, il existait la perception que les responsables locaux en santé étaient peu engagés à adresser le sans-abrisme, mais qu’ils ont amélioré leur approche pendant la pandémie. Il est espéré que ces formes de collaboration se maintiennent.
  1. Plusieurs autorités responsables dans le secteur du sans-abrisme ont exprimé leur frustration par rapport au manque de collaboration du secteur correctionnel. Le rapport souligne que les intervenants du secteur correctionnel libèrent les détenus sans prévoir leur hébergement, et sans faire appel aux intervenants en sans-abrisme afin de coordonner une transition vers un refuge d’urgence (il faut toutefois noter que Québec est une exception importante à cet égard).
  1. À travers le Canada, un nombre surprenant d’espaces prévus pour les itinérants demeurent ouverts (ou sont en cours de relocalisation). En d’autres mots, les nouvelles mesures de distanciation physique mises en place semblent durer plus longtemps que prévu. Ce « nouveau normal » variera cependant d’une ville à l’autre. Par exemple, la plupart des refuges à Calgary et Edmonton ne s’attendent pas à pouvoir se conformer à l’exigence de deux mètres.
  1. Il reste encore des défis dans le secteur. Bien que cela varie à travers le Canada, les défis suivants perdurent dans tout le secteur : le recours au sommeil extérieur; les salles de toilettes partagées ainsi que d’autres espaces partagées (sans compter les couts additionnels liés au nettoyage de ces espaces partagés); et le nouveau sans-abrisme engendré par le ralentissement économique[1].
  1. Le gouvernement fédéral canadien a annoncé d’importantes sommes de nouveaux financements depuis le début de la pandémie. Le gouvernement canadien a annoncé 157,5 millions de dollars en financement ponctuel pour Vers un chez-soi en mars 2020 (Vers un chez-soi est le véhicule de financement principal utilisé par le gouvernement fédéral pour lutter contre le sans-abrisme). De plus, en septembre 2020, le gouvernement canadien a annoncé 236,7 millions de plus pour Vers un chez-soi, ainsi qu’un milliard de dollars pour des logements modulaires, l’acquisition de terrain, et la transformation d’édifices existants en logement abordable.
  1. Toutefois, ces mesures de financement demeurent temporaires. Depuis le début de la pandémie, il n’y a eu aucune amélioration permanente au financement des initiatives luttant contre le sans-abrisme. Une telle amélioration pourrait : appuyer les intervenants locaux à maintenir la distanciation physique améliorée; appuyer la transition de plus de gens à partir des refuges d’urgence et des campements extérieurs vers des logements permanents; aider à payer les couts supplémentaires liés au nettoyage et au personnel liés au « nouveau normal » mentionné ci-dessus.
  1. Le rapport recommande le renforcement de l’Allocation canadienne pour le logement (ACL). Récemment lancée, l’ACL est essentielle à la Stratégie nationale sur le logement et offre une aide financière aux ménages à faible revenu pour leur permettre de payer leur loyer. Il est attendu que la moitié de cet argent proviendra du gouvernement fédéral et l’autre, des gouvernements provinciaux et territoriaux. L’ACL devait être lancée le 1er avril 2020; toutefois, seulement cinq provinces ont signé l’entente. Le gouvernement fédéral pourrait augmenter son apport à l’ACL afin d’encourager le restant des provinces et territoires à en faire autant. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait offrir d’assurer les deux tiers ou les trois quarts des couts.

En conclusion : Les autorités responsables en sans-abrisme à travers le Canada ont travaillé ardemment afin d’améliorer la distanciation physique pendant la pandémie. L’augmentation permanente du financement fédéral aiderait à maintenir le « nouveau normal » tout en trouvant des solutions permanentes de logement abordable pour les personnes itinérantes.

J’aimerais remercier Susan Falvo, Michel Laforge et Vincent St-Martin pour leur appui pendant la rédaction de ce billet.

 

[1] J’ai récemment écrit un autre rapport sur le sans-abrisme engendré par le ralentissement économique. Ce rapport, commandé par Emploi et Développement social Canada, est paru en décembre 2020 et est disponible ici.

 

My review of Eric Weissman’s book on intentional homeless communities

My review of Eric Weissman’s book on intentional homeless communities

My review of Eric Weissman’s book on intentional homeless communities

BOOK REVIEW

Weissman, E. (2017). Tranquility on the razor’s edge: Changing narratives of inevitability. Oakville, ON: Rock’s Mills Press.

 

Eric Weissman is Assistant Professor of Sociology at the University of New Brunswick, Saint John. But he was once homeless, and has since written a very good book about intentional communities in Canada and the United States. This book is based on Eric’s PhD thesis, which in 2014 won a major national award.

Here are 10 things to know: 

  1. This book focuses on intentional homeless communities (IHC) in Canada and the United States. Intentional communities in general are communities built around specific goals. But in the case of this book, I mean small communities of housing sometimes made from discarded, donated and recycled material, and sometimes purpose-built, to address homelessness. IHCs have relatively sophisticated governance structures and are typically located on land owned by non-profits, churches or municipal government. The book argues that such communities are on the rise and that they constitute both official and unofficial responses to homelessness depending on which examples we look at. There are dozens of such communities in the United States. According to the book’s author, Homes for Heroes (Calgary) and Steve Cardiff Tiny House Community (Whitehorse) are Canadian examples of IHCs.
  2. Intentional communities are not the same thing as tent cities or tiny home communities. IHCs are legal in several American cities, where some receive government funding (though most such funding comes from non-profits and private donors). Sometimes referred to as ‘villages,’ they often have their own websites and wi-fi networks. Some have formal triage systems for determining new admissions. Many hold elections and have formal governance arrangements. Some pay liability insurance, some are legally incorporated, and some are inspected regularly by municipal officials. Tent cities, by contrast, are usually temporary, largely-unorganized and rarely sanctioned by cities. Conventional tiny-home communities reflect current tastes for micro-housing and may not be organized around any social cause in particular.
  3. The book demonstrates that who makes day-to-day housing-related decisions for marginalized persons matters. In other words, the book argues that simply having affordable housing in place with social work support (i.e., supportive housing) doesn’t cut it if we truly want to empower tenants. Rather, democratic engagement with tenants is also important. (I think Canadian housing researchers and advocates had a greater appreciation of this concept in the 1970s than they do today. For more on important innovations in the 1970s, check out Greg Suttor’s recent book on the history of social housing in Canada.)
  4. One of the book’s many strengths is that it makes readers think unconventionally about affordable housing. I came away from reading this book realizing that my own views on the topic are somewhat narrow. Until reading the book, I had not really given intentional communities much thought as a serious approach to addressing homelessness.
  5. The book embraces a research approach called ethnography. Very common in anthropology, this approach involves writing about something as you live it. Eric wrote this book based on his participation and residence in a few key intentional communities. He filmed and interviewed hundreds of residents and typed up his notes on site. Not only did he earn ‘street cred,’ he also applied it directly to his research.
  6. One of the book’s messages is that researchers may try to appear neutral, but we all have biases.[1] I can relate to this message, having personally worked 10 years as a front-line community worker with persons experiencing homelessness. Personal take-ways of mine from that work include the following propositions: don’t make it difficult for a person to seek emergency shelter; persons experiencing homelessness thrive when given the chance to engage in paid work; and persons experiencing homelessness almost always agree to live in affordable housing when it’s offered to them in an appropriate manner.
  7. The author’s own biases emerged from his own life experience with trauma, illicit drug use and homelessness. He discusses this brilliantly and powerfully in chapter three, which is arguably the best-written book chapter I’ve ever read. That chapter helped me understand both youth homelessness and illicit drug use.
  8. This would be a good book for students to read in a graduate university seminar on research methods. And chapter two itself would be a great stand-alone reading to assign to graduate students in such a seminar. However, in order to properly understand much of the book’s language, concepts and arguments, a reader would likely need to have at least one university degree in the social sciences (I personally think the book puts too much emphasis on what social theorists have said over the years).
  9. The book could have done a better job of articulating the drawbacks of intentional communities. To be fair, the author does acknowledge that the drawbacks of intentional communities can include: “drug problems, faction-led power struggles and a failure to provide adequate transitional experiences for people wishing to reclaim their role in society” (p. 300). But on the whole, the book contains very little discussion about: some of these communities lacking running water, heating and cooking facilities; how prone some of their residents are to property theft; and the extent to which such communities are vulnerable to being targeted by law enforcement officials.
  10. The book misses an important opportunity to discuss the practical ways government and the non-profit sector can support intentional communities. I was left wondering what kind of funding could be directed at such communities, and what specific services should be supported. Also, the book suggests that supporting intentional communities can be much cheaper than supporting more conventional forms of affordable housing, but no breakdown is provided as to how much it would cost to assist them.

In sum: This book, which took a lot of courage to write, doesn’t shy away from discussing the awkward. And many advocates of the tiny-house movement may find this book to be inspirational. The book also reminds me of advice I once got from a supervisor at Toronto’s Homes First Society: “When housing’s being developed for marginalized populations, people with homes shouldn’t try to tell people without homes what their housing ought to look like.” 

Eric Weissman patiently answered all of my questions via email as I prepared this review. I also wish to thank Adam Melnyk, Bernie Pauly, Marion Steele and Vincent St-Martin for their assistance.

[1] In the social sciences, positivists tend to view themselves as neutral observers, merely trying to find evidence. By contrast, interpretivists tend to openly acknowledge and embrace their biases (see this short article for more on this distinction).

 

 

Ten things to know about central agencies in Canada

Ten things to know about central agencies in Canada

Ten things to know about central agencies in Canada

From time to time, voluntary sector leaders—and advocates in general—come up with ideas for new spending and new social programs.  When they do this, they often focus too much on influencing elected officials, and too little on influencing senior public servants.  What’s more, it’s important that their proposals be supported by good research, in part because exaggerated claims about the benefits of their proposals may hurt them in the end.  With all of this in mind, here are 10 things to know about central agencies in Canada.

  1.  Even after a minister tells you they support your idea, there will often be further government approvals required.[1] At the federal level, this process is run by three central agencies; they are Privy Council Office (PCO), Finance Canada and Treasury Board Secretariat (TBS). Their respective roles will be discussed below. There are broadly similar functions for provincial and territorial governments (but details may vary).      
  2.  For your idea to become a new program, cabinet will need to give “policy authority” and PCO supports this cabinet decision-making process. PCO coordinates the meetings of cabinet and cabinet committees, provides advice to the prime minister on cabinet business and briefs the chair of committees on agenda items. During this process, PCO analysts play a “challenge function role” (this will be a recurring theme), meaning they critically assess and examine proposals as they come forward. Questions that might get asked by PCO officials in Ottawa include: Is this an area of federal jurisdiction?  Does this initiative have intergovernmental implications?  Have you consulted on this with other departments within the federal government? (If no such consultation has taken place, PCO officials will coordinate a meeting among staff from various federal departments.)  PCO officials might call into question the rationale or evidence used to support the proposal and if a similar program exists elsewhere, PCO officials will point this out.  PCO will also ensure that the political implications are spelled out.       
  3.  Once you have policy authority from cabinet, a new program will still need budgetary approval through Finance if it involves new money. Finance provides funding authority or a “source of funds” for new proposals through the budget process. Departments and Ministers generally make a request to the Minister of Finance and it gets assessed by public servants in the Department of Finance, who also play a challenge function. The underlying question asked by Finance officials is “Does this initiative really require new money?” My sources in Ottawa have three unofficial mottos that Finance officials can almost always be expected to say.  The first is “How much will that cost?” The second is “Why can’t you do that from your existing budgetary allotment?” And the third is “No” (hopefully, the last one is not so consistent).  It’s also important to note that the budget process doesn’t just assess the merit of spending money on your idea on a yes-or-no basis, but also the comparative merit of different proposals. You’re competing against other ideas for scarce resources.  Finance officials are suspicious of lofty promises that a proposal will save large sums of money somewhere else; they hear this often.  If the proposal has the potential to save money elsewhere, be prepared to demonstrate this with precision and nuance.    
  4.  Treasury Board, a committee of cabinet, provides implementation authority for proposals and this approval process gets into the details of how the program will be run. Cabinet policy authority is sometimes thought of as “agreement in principle”, while Treasury Board is where the details get discussed. TBS officials play a challenge function that is focused on how the proposal will be implemented rather than challenging the basic idea. They will want to know the risks inherent in the proposed initiative and how they are addressed. They’ll also want to know if the proposal is compliant with other federal policies and they’ll want to know if the details of the proposal are logistically sound and realistic.  For example, if a complex program is proposed with a plan for three staff persons to run it, TBS officials will call this into question.  In Ottawa these days, treasury board officials are also very focused on the measurement of outcomes.    
  5.  There is typically some overlap between what the different central agencies do. For example, in Ottawa, PCO officials might ask how results for a new program might be measured (even though that’s more typically thought of as a question asked by TBS officials). Likewise, PCO officials might also scrutinize a cost-benefit analysis that is supporting a pitch (even though similar scrutiny might be provided by finance officials). And the central agencies work closely together.    
  6.  At the end of the day, if cabinet really wants a new program or new spending, central agencies won’t stop the initiative. An inherent principle underlying representative, executive government is that ministers are ultimately the decision-makers. Public servants, meanwhile, operate with the principle of “fearless advice, faithful implementation.”    
  7.   In Ottawa, even the Minister typically has to wait until Budget Day to know if each proposal has been accepted. That’s because the final decision on every budget item is made between the Prime Minister and the Finance Minister, and their decision is usually kept secret—even from the rest of cabinet—until the budget is released. (In Ottawa, proposals for a new program or new spending are typically made months before.)     
  8.  A key take-away from all of this is that, when voluntary sector organizations advocate for a new program or new spending, they should think about both elected officials and senior public servants. Indeed, it’s important to engage senior public servants early and often. If an elected official likes your proposal, do not assume that members of the senior public service won’t eventually give it the third degree.  Ideally, as many senior public servants as possible should hear about your proposal directly from your organization before it arrives to them via official channels.     
  9.  New proposals should be supported by sound research. Just because an elected official doesn’t scrutinize your cost-benefit analysis or your long-term savings calculations, doesn’t mean senior public servants won’t. Staff in both central agencies and line departments will appreciate intellectually honest analysis, the humble presentation of information and well-referenced propositions. The challenge function at the central agencies will involve dozens of very smart people reviewing and assessing the proposal; your proposal (sponsored by the department and minister) will stand up much better if it has a strong problem definition (a.k.a. the rationale for why action is needed) and recommendations supported by evidence.    
  10.  Exaggerated claims about your proposal will probably burn you in the end. Consider a statement such as: “This proposed program will revolutionize this sector because nothing this great has ever been done before.” That might get you traction in the media and with some elected officials; but always consider the roles of central agencies discussed above. Senior public servants have heard such statements before and will likely scrutinize every aspect of such a claim.

 The author wishes to thank Francesco Falvo, Louise Gallagher, Darcy Halber, Kayle Hatt, Alex Himelfarb, Kevin McNichol, Michael Mendelson, Leslie Pal, John Stapleton, Katherine White and one anonymous reviewer for invaluable assistance with this.  Any errors are his.

[1] An important exception is in the case where your idea happens to be within the minister’s existing authority and, more importantly, within the existing department/ministry budget and not especially politically contentious.